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Je suis mort
et
je suis fier !
Qu'auriez-vous fait à ma place ?
Un des intérêts des jdr est qu'il nous met face à des situations que
nous ne rencontrerons jamais (j'espère). Ces situations, pour
artificielles qu'elles soient, nous renvoient à nous-mêmes.
Voici ma contribution. Le choix: Plutôt mort que... ?
|
Javais bien fait doublier mon
personnage ce soir là, pour cette partie d'AD&D
!
On mavait prêté un personnage: elfe, guerrier-voleur, niveau 8 (ou 9 ou 10. Oui, nous jouons à haut niveau).
Le personnage
rejoint les autres (un paladin, une prêtresse); nous travaillons tous pour le
roy. Nous nous retrouvons en train
de convoyer un prisonnier nécromancien, vers un port doù il sera expédié au
bagne. Lescorte précédente a été massacrée
Hum !
En pleine nuit, dans une forêt, des putains de créatures
volantes aux griffes
venimeuses nous surprennent !
Aïe !
Mon personnage glisse dans le coma, empoisonné...
Ouch !!
L'équipe revient à
lauberge d'où elle est partie, je suis mis au lit dans ma chambre...
Le MJ me prend à part : un
vampire sort du placard, sapproche de mon corps impuissant, et me mord !
Aargh !!!
Maintenant
que je suis un des siens, le vampire me propose de le servir, de lui livrer le
nécromancien, sinon
pieu dans le cur !
Sur ma feuille de personnage il y a écrit « voleur », soit,
mais il y a aussi écrit « elfe » et « guerrier ». Pour un
elfe, devenir vampire est le comble de lhorreur, cest se retourner
contre les siens. Un guerrier a choisi de risquer sa vie et préférera mourir
plutôt que trahir. Enfin, le roy ma confié une mission qui consiste à
ne pas laisser séchapper un nécromancien.
« Tue-moi plutôt ! »
grimace mon personnage.
Aussitôt
dit, aussitôt fait.
Jai suicidé mon perso. |
|
Le vampire repart. Au petit matin, la
prêtresse a récupéré ses sorts de guérison, elle et les autres personnages reviennent
dans ma chambre. "Tiens, il a le teint pâle et un pieu dans le cur !"
Ne souhaitant logiquement pas retirer le pieu et
se fritter un vampire, ils ouvrent les volets :
Frouff le personnage !
Le MJ est désolé, il sexcuse davoir tué mon
personnage. Moi, loin dinvectiver le MJ, je suis content !
Quelque chose s'est passé dans la tête du MJ. Celui-ci a vu une
opportunité pour le vampire: un des matons du nécromancien est seul et
sans défense. Il sattendait à ce que jaccepte sa proposition, car
j'avais plutôt interprété le côté «voleur» du personnage.
Aurais-je dû faire : « oh monsieur le vampire, jadhère subitement et
très sincèrement à vos thèses. Repartez, je ne dirais rien
»? Ce vampire maurait
cru sur parole. Et puis en fait le scénario prévoit quil est possible de guérir
du vampirisme ; les autres PJ lapprennent et commencent à réunir les
ingrédients.
Peut-on guérir dêtre un tas de
poussière ? Un peu de technique : daprès les connaisseurs
dAD&D, les moyens de guérir de la malédiction dêtre vampire :
| Souhait ;
|
| Souhait mineur : permet d'y échapper
pendant un temps assez court (un
mois peut-être), mais pas de manière définitive.
|
| Délivrance de la malédiction lancé par un
avatar de dieu (bon, là faut pas y croire)
|
| Délivrance de la malédiction lancé dans le
Coeur de la Lumière, au confluent entre le
Plan des Energies Positives et le Plan Quasi-Elémentaire de la Radiance (sic)
|
| une levée de malédiction plus faible tue le
vampire.
|
| assassinat de toute la lignée de vampires.
|
| une résurrection ressuscite un PJ toujours
aussi vampire, et en plus il a faim.
|
Jarrête là la liste, en fait inutile :
pour moi lesprit de la malédiction, ce qui fait quelle est
terrifiante -comme la lycanthropie- est quelle nest pas réversible.
Je
suis dans lesprit d'un choix terrible où je suis de toute façon perdant
: « devenir un monstre ou mourir ». Vu ce que je suis, je préfère
mourir; je suis fier de la mort héroïque et courageuse du personnage.
Même à haut niveau, même à AD&D,
il y a des fléaux auxquels nos personnages peuvent succomber. Je
suis fier davoir respecté cet esprit.
Pour le MJ, on peut guérir d'être vampire, et si les sorts n'existent
pas, il suffit de les inventer. Tout est possible à AD&D, le jeu des
paladines,
des objets magiques sortis de nulle part et des sorts qui s'effacent dans les
livres.
Là est le coeur
de l'affrontement : nous ne jouions pas au même jeu !
Lironie de cette mort, cest
que je dénonce par ailleurs ceux qui « surjouent » leur personnage
et du coup quittent le jeu (voir So Slow
).
Ai-je surjoué ?
A mon sens, la situation était sans issue
et si intolérable quelle nautorisait pas dautre réponse. Dautres
joueurs auraient sans doute aimé devenir de puissants vampires
et jouer une partie bizarroïde; pas moi. Erreur dappréciation du
MJ.
Il ne pouvait pas savoir que...
...javais déjà rencontré ce choix
dans « Quatre », une aventure-solo du Casus Belli Hors-série
n°12 (juillet 1994) qui pouvait servir dintroduction au jeu Vampire.
Lintérêt de cette aventure, cest que plusieurs fins étaient possibles
une fois que le personnage avait compris son état de vampire :
|
soit il acceptait son statut de monstre inhumain,
et le personnage rejoignait ses semblables ; |
|
soit il ne pouvait accepter cette terrible
malédiction, et se suicidait ; |
|
soit il naimait pas du tout sa nature de
buveur de sang, mais sa colère étant la plus forte, il se faisait vampire tueur de vampires, pour se venger (et protéger
lhumanité) ! |
Et quon ne vienne pas me dire quêtre
vampire cest le top. Le jeu homonyme est créé pour être joué avec des
personnages qui détestent ce quils sont et luttent contre leur part ténébreuse.
A vous maintenant. Qu'auriez - vous fait à ma place
?
Auriez-vous osé suicider votre personnage
plutôt que devenir un monstre ? Ou bien n'avez-vous jamais rencontré de
situation plus forte que votre personnage?
Le titre est un jeu de mot sur le slogan des
afro-américains: "je suis noir, et je suis fier!"
Je renvoie ceux qui seraient surpris
de la réaction « plutôt mourir que devenir un monstre » au tome 6,
« Ozymandias », de la BD « les Gardiens » par Moore et Gibbons.
(mais lisez les 5 premiers tomes dabord
)
Les Gardiens (the Watchmen) ? Cette série dynamita la BD de super-héros par son découpage
cinématographique, sa profondeur psychologique, le nombre de ses intrigues secondaires
Chaque dessin est à comparer avec le précédent, des clins dil
renvoient un thème à lautre, tout ceci en dressant le portrait dUSA
alternatifs. Cest tout simplement une réussite totale, qui vous fera
réfléchir, que lon aime
ou pas la BD de super-héros.
(c) Rappar
Pourquoi
j'aime la confusion joueur/personnage
Daruku m'écrit : "Il
semblait évident que le Master avait prévu un moyen de redevenir un mortel (du
moins c'est ce que j'aurais fait).
Outre le fait que cela ait posé un cas de conscience (que je respecte
totalement et qui était conforme au perso), je me demande s'il n'aurait pas été possible d'accepter le
"don ténébreux", de trouver un moyen d'y réchapper (en passant un
marché avec le nécromancien) et peut être ensuite de "planter" le
caïnite, histoire de se venger.
Cela aurait pu être un moyen de continuer la
partie (c'est dur de sortir de la partie en cours) et de ne pas trahir le
perso".
Et à la réflexion, ce visiteur a raison. Alors que s'est-il
passé ? Dans le contexte, la réponse était que moi (le joueur) étais trop
stressé par un début d'aventure catastrophique et par les relations houleuses
avec les autres joueurs (le voleur, le paladin et le prêtre NG faisaient mauvais
ménage). Quand c'est le joueur qui stresse, quelle réussite !
C'est pour moi l'essence même du roleplay, quand personnage et
joueurs se confondent...
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