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Sindor
s'est mis à son clavier pour le sujet "MJ, quel
est votre meilleur souvenir de partie que vous ayez
maîtrisée?". Lisez entre les lignes, et vous verrez
comment il prend ses joueurs à contre-pied; et ils en
redemandent. |
C'était dans une partie de AD&D 2nd édition. Je
maîtrisais la campagne du "Temple du Mal Elémentaire".
Il y avait 10 joueurs au total dans cette campagne, interprétant des
persos de toutes classes - mais rarement plus de 6 jouaient en même
temps, pour cause de disponibilité, etc. A un moment, j'eus l'occasion
de faire jouer un groupe de 2 joueurs seulement ; nous avions entre
22 et 25 ans.
Leurs persos : Perceval le Paladin, de 6ème niveau à ce
moment de la campagne, qui venait d'achever sa quête pour l'obtention
de son destrier de Paladin, et rentrait à la
" base ", rencontrant en chemin Keltoï le Rôdeur
du groupe (lui aussi de 6ème niveau).
Je jouais en PNJ le destrier et Otis (Rôdeur 10ème niveau, espion des
armées du Bien de Véluna).
A ce moment de la campagne, je voulais leur faire découvrir de la
nouveauté, et pas les immuables gnolls et goblours recrutés par les
chefs des différentes factions du Temple dans les régions
avoisinantes. Les joueurs "n'avançaient pas dans l’aventure"
car il se passait trop de temps entre leurs raids contre le Temple. Donc
la plupart des forces du Mal détruites étaient reconstituées pendant
que les PJ prenaient beaucoup de temps à se reposer, gênant d'autant
leur progression.
Action ! Les deux rôdeurs font un repérage des
lieux. Ils ont détecté et "pisté" des traces d'un groupe
d'hommes, sans doute des sbires du Temple du Mal Elémentaire.
Les PJ et PNJ en train de discuter sont repérés par le groupe de
sbires. Parmi les sbires se trouve un Magicien, qui décide de s'en
débarrasser en les envoyant ailleurs, parce qu’il a autre chose de
plus important à faire.
Bien entendu, rien de ceci n’est dans le scénar du commerce.
Ce que perçoivent les Personnages-Joueurs, c'est qu’une incantation
retentit, et que tout ce joyeux monde se retrouve téléporté dans un
couloir du 3ème niveau du dit Temple, eux qui avaient à peine
commencé l'exploration du 2ème niveau. J'ai considéré que le spell
Lambdatéléport du Magicien n'était pas encore au point, et qu'il
n'arrivait pas à choisir la destination de son sort. Mais peu importe
le sort : le but était juste de soulever un pan de voile du
Temple, afin de leur montrer qu'il y a autre chose que des gnolls (et de
les motiver un peu plus).
Le groupe essaye alors de remonter à la surface en catimini, sans se
faire repérer. Pour compliquer la tâche, il est composé de deux
Rôdeurs (pas habitués aux couloirs de pierre massive, et qui se
cachent mal en " intérieurs "), d'un Paladin en
armure de plates, et de son Destrier en barde de mailles, très peu
discret et qui n’aime pas les souterrains.
Les PJ habituels plus aptes aux donjons (le guerrier Nain, la barde
demi-elfe, et le guerrier-voleur gnome) sont absents. Les persos
restants étaient projetés dans l’inconnu total, sans savoir où
était la sortie, sans repères ni fil d'Ariane, sans base arrière. La
situation était stressante : complètement perdus au coeur d'un
Temple infesté de Chaotique-Mauvais, ils risquaient d'attirer
l'attention sur eux.
Les joueurs adorèrent l'ambiance d'exploration, excellente,
épique ! Ils vivaient ce stress, parlaient à voix basse,
chuchotaient à certains moments. Ils ne faisaient absolument rien
qui sorte du cadre du jeu (manger, parler du dernier film, ...), et ne
cherchaient pas non plus à bourriner, juste à "survivre".
Perceval calmait son cheval intelligent du mieux qu'il pouvait. Ca
jouait à mort Roleplay, et ils étaient obligés de prendre des gants
à chaque action, de peser chaque décision, car l'erreur aurait été
fatale: rencontre trop forte pour eux, ou les Entités du Temple
averties de leur présence sur leur territoire.
Ils évitèrent les patrouilles, bluffant même certains résidents. Le
Paladin, à l’époque le jouait plutôt très résolu :
" vous êtes du Mal, je vous tue ! ". Ici, afin
de survivre et continuer à servir St Cuthbert, il se vit obligé de
tromper l'ennemi : non pas par paroles ou discours mais par ses
actions. Il parlait peu, guidait le groupe et prenait des allures de
grand chef quand le groupe rencontrait, de près ou de loin, des PNJ,
faisant semblant d'être " de la maison " ou un
émissaire d’un allié.
Ils rencontrèrent des gobelins plus apeurés que méfiants durant leur
remontée. Il y eut des orcs, mais ils étaient plus occupés à manger
qu’à tenter de savoir qui étaient les PJ. Ceux-ci ne menèrent
finalement qu'un seul combat, contre une Lamie dans une salle infestée
de champignons et autres fongus.
Ils n’ont pas rencontré de chef de clan, et encore moins de lanceurs
de sorts, et heureusement pour eux ; ils essayaient d’aller au
plus simple, sans chercher à savoir qui habite ici où là. S’ils
avaient essayé dans leur situation, peut-être que leur exploit n’aurait
pas même eu lieu. La tournure du scénario aurait alors été
sympa : ils auraient ployé sous le nombre, puis auraient été
capturés pour être jugés devant le commandant en titre du Temple,
puis bannis dans les nodules : à leur niveau c’est
la mort assurée en tant que nourriture des résidents des nodules.
Mais ils n’ont pas fait " les malins " :-)
Cette partie atteignit le but que je lui avais fixé : le groupe
s'était rendu compte qu'il y avait encore beaucoup à découvrir ;
s’aperçut qu'il existait des factions différentes, et des ennemis
inconnus ; se posa des questions sur leur provenance (Lami,
feux-follets, fongus etc...) ; senti qu’il faudrait empêcher des
plans machiavéliques de se poursuivre.
D'habitude, on joue à 6 en moyenne (parfois 9-10),
avec des packs de bières, et l'ambiance est plutôt "cool".
Le voeu de la majorité est de ne pas se prendre la tête, de s'amuser
ensemble, et moi-même je ne leur en demande pas trop.
Mais cette fois-là, avec seulement 2 joueurs, nous avons pu nous
concentrer sur l’aventure et ce que ressentaient les persos.
On a terminé à 4h du mat' (on travaillait le
" lendemain "). Les joueurs étaient très
fatigués, mais très contents. Je ne me rappelle plus leurs impressions
exactes, mais ils avaient adoré, et étaient ravis, voulaient rejouer
rapidement, et étaient hyper motivés (mon but à atteindre). Ils me
firent comprendre qu'ils avaient joué un de leur meilleur moment de JdR
(alors que c'était un truc tout simple).
Je ne crois pas vraiment que ce fut ma meilleure maîtrise (je préfère
quand je joue la diplomatie des méchants) mais ce fut un de mes
meilleurs souvenirs, ça c'est clair. Je ne m’étais inspiré de rien,
je voulais juste leur montrer autre chose, et voir leur capacité à
s'adapter à l'environnement. Ce qu'ils firent, et haut la main! En
fait oui, j'avais été bien inspiré de masteuriser ce soir là !
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