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H*O*: ma bio rôliste

par HO

Je me présente : h*o*, rôliste. 

Voici comment un passe-temps est devenu une passion.

Antécédents culturels

Bordelais, je suis issu d'une famille de " déracinés " (pieds-noirs) d'horizons socioculturels divers. Mes parents, plutôt "bobo", avaient des discussions assez mouvementées avec le reste de la famille. J'eus droit à des "digests" sur la politique, la Shoah, la guer… les "événements" d'Algérie, etc. La graine de la relativité et de la complexité était semée en moi. 

Ma mère était employée dans une librairie, elle rapportait des tonnes de B.D. et de romans policier et S-F pour elle-même, ma soeur et moi. Elle m'aida à lire mon premier gros bouquin: c'était Bilbo le hobbit
Mes parents constituèrent une solide bibliothèque (romans, humour, histoire, art), et une vidéothèque pour le magnétoscope. Quelle nostalgie de revoir ces films où la fréquence des parasites indique la période de l'année de l'enregistrement (merci le chauffage au gaz) ! A 5 ans je visionnais ad nauseam les compiles de Tex Avery et Moby Dick (j'étais heureux parce que c'était la baleine qui gagnait contre le chasseur).
Donc un enfant choyé, aimé, ouvert sur l'imaginaire ou d'autres réalités. Mais je fus alors confronté à une calamité, une série de terribles épreuves: l'Education Nationale. 

Le côté social

A la maternelle et au primaire, je dus changer ma personnalité. Chez moi j'étais un garçon calme, participant d'une vie familiale protégée. A l'école, embryon de vie sociale, je faisais comme tous mes camarades, j'étais un affreux petit monstre qui participait aux bagarres entre classes ou " filles contre garçons ". Je commençai à développer une double personnalité : une pour l'extérieur et une pour l'intérieur de la bulle familiale, qui inclut maintenant d'autres personnes avec qui je suis en confiance. Je ne me sens donc pas tenu d'être toujours le même individu.

Premier pas dans le jeu de rôles, avec Olivier ; moi CE2, lui CM2. Il était passionné de jeux vidéos. De mon côté, mes parents ne voulaient pas que j'aie une console (trop jeune: 8 ans en 89-90). 
Olivier voulait partager sa passion, et voulait satisfaire mon désir de jeu vidéo (la générosité dans l'échange social est rare mais putain, c'est magnifique). Il tenta alors de me décrire les scènes d'un jeu de baston, Trojan ou Tragan. Il commença à me décrire les premières scènes du jeu, et moi j'ai embrayé comme si j'avais la manette de jeu et j'ai réagi comme si j'étais l'amas de pixels. Nous mimions (vivions) toutes nos aventures 
Ca nous a plu et il a brodé sur mes aventures, qui débordèrent très vite sur l'impro, nos réactions étant plus libres que dans la programmation.
Puis de récré en récré, j'ai affronté tempêtes, gremlins, Jasons et autres Freddys - il avait le droit de regarder les jeudis de l'angoisse sur M6, lui. 
C'était un enchaînement de bastons, fondé sur la vraisemblance (hum) de mes réactions (roleplay?) pour sortir indemne (toujours) des péripéties qu'il inventait au fur et à mesure (beaucoup de monstres, d'immeubles en ruines, des véhicules cyberpunks, mais ni trésors ni princesse)
Nous n'avions pas l'idée de nous voir après l'école (c'est un CM2 et moi un CE2, on ne peut pas devenir amis voyons...) bien que nous soyons devenus inséparables
Olivier joua sans doute le même rôle pour moi que le mono de Rappar avec ses aventures de Schtroumpfs. C'était une première approche du " conte interactif " qui prédispose au JdR. J'ai encore aujourd'hui la nostalgie de vouloir retrouver dans une séance de JdR les émotions que j'ai vécues à cette époque

Une année passa, beaucoup trop vite pour moi. Il est parti vers d'autres horizons et je ne l'ai jamais revu. On a du paraître des extraterrestres aux autres, toujours tous les deux - très rares et brèves tentatives pour intégrer d'autres "persos" à notre "campagne"- , à nous raconter des histoires. Même si on avait passé notre temps à courir, crier, pleurer, pratiquement comme les autres.

Le véritable JdR

L'été suivant je découvris un trésor extraordinaire dans le placard des jeux de ma soeur : les deux boîtes en plastique, à peine ouvertes, de l'Oeil Noir que maman lui avait offert (avec un Hors-Série de Jeux & Stratégie). Je compris, au bout de longues heures d'attente devant les étapes du Tour de France, qu'aucun membre de ma famille ne s'y intéressait, et que personne ne lirait les règles, sauf moi.

Dès la rentrée, je fis la réclame pour ce jeu de société auprès de mes copains, lors de tous les anniversaires au CM2 (la véritable unité de temps dont je me souvienne à l'époque puisque c'était l'occasion de faire des bisous aux filles et de savoir qui était le chef avec les garçons), sans succès. 
Au début des vacances d'été 1991, fin définitive du primaire, on se revoit une dernière fois chez moi pour mon anniversaire. C'est le prétexte rêvé pour faire jouer le scénario des débutants de la boîte de base de l'Oeil Noir. Trois heures de partie à 5 garçons. C'était une histoire de maison piégée d'un capitaine de navire explorateur. Le premier étage se jouait en Livre Dont Vous Êtes Le Héros ; en redescendant, la fille a été enlevée par les habitants de la cave, où il y a un passage secret : cette fois-ci l'aventure se joue en groupe. La partie s'est bien passée, on a bien rigolé mais personne n'est venu sonner à ma porte pour en refaire.

Ensuite ce seront 4 années cauchemardesques au collège, où je suis devenu timide (craintif) et maigrichon. Je rejetai tout phénomène de groupe comme le sport ou les modes. Je compensai par les Nintendo, la littérature, les B.D., les séries télés, et les cassettes vidéos (films et Dessins Animés) en proportions équivalentes, comme si il n'y avait pas de lendemain. J'ai du apprendre à me blinder, j'ai tapé sur plus faible que moi (très rare quand même puisque j'étais le plus faible), servi de massue, couru pour m'échapper, giflé le proviseur, sauté pour récupérer ma trousse (trop petit, les autres faisaient une passe à dix), subi une simulation de viol, tiré les nattes des filles. J'ai été mis en slip dans la cour, jeté dans une poubelle, premier de la classe malgré les zéros à répétitions pour devoirs non rendus, et j'en oublie.

J'avais quand même entretenu la flamme rôliste avec les LDVELH, dont les pages se détachaient au bout de trois jours de compulsages frénétiques (qui a respecté le principe de tout recommencer à chaque mauvais choix ?). Pour mes anniversaires et Noël, ma mère fit quelques incursions dans le magasin spécialisé JdR-Wargame rue du Pas Saint-Georges pour acheter Heroquest, deux autres jeux de plateau estampillés Oeil Noir, un wargame et des dés. Elle les achetait sur les conseils des vendeurs, pensant à raison que c'était assez approprié pour mon âge et le budget - et donc pas les armées à rallonge de Warhammer.[1

Mais je n'ai fait que quelques parties à l'occasion, rien de régulier, du fait de mon repli sur moi-même. La traversée du désert rôlistique est à l'image de l'isolement social.

Du rollpay au roleplay

La libération ce sera le lycée, avec le club théâtre, le club informatique et le club jeu de rôles (quelques photocopies de Magic et des manuels toujours en vadrouille). On restait entre potes, ce qui me faisait un bien fou après l'isolement que j'avais connu au collège. On allait à un cybercafé accueillant les joueurs de Magic. On se scotchait, les yeux vitreux, sur Duke Nukem 3D, Warcraft II, et les autres, avant de se lever pour courir en cours. Des fois Dejit masteurisait à ADD, quand il ne jouait pas avec Billou à ce jeu de cartes à collectionner débile POUR GOSSES DE RICHES. 

Magic n'était pour moi qu'un moyen de faire cracher leur pognon à des gosses sans repères. Je me sentis très vite exclu de ce loisir, ayant du mal à avoir le pognon pour suivre ; j'ai claqué 300 balles en cartes Magic ; c'était insuffisant. Je me suis vite rendu compte que jamais je ne serais au niveau des autres (comme pour les armées de Warhammer ou les pogs). Ou alors j'aurais dû, comme certains, consacrer à Magic tout mon temps, argent et mes ressources intellectuelles, ce que j'ai définitivement rejeté durant cette période. Je critiquai vertement le mécanisme de consommation acharnée de ces cartes. Je chopai le sobriquet de Coco pendant quelques jours, et fermai ma grande gueule.
Je sais que certains ne voient pas d'incompatibilité entre les JdR et les JCC (d'ailleurs White Wolf tente de faire la synthèse de ces deux optiques [2]) mais je n'ai pas accroché. 

Pour revenir au JdR : en Première, Franck lâcha nos parties, et Dejit (mon premier MJ) et moi ne jouions que tous les deux. On s'est quittés fâchés en Terminale, en ayant peu joué, pour " divergences de vues sur le JdR ". 

Exemple: mon perso Corwin est un halfling noir, fils d'un brigand pendu, voleur avec des caracs de voleur. 
Il est devenu humain, blanc, beau, télékinésiste, bi-classé prêtre, avec matos et caracs de grosbill.

Peu à peu je perdais le contrôle de mon perso : je ne pouvais pas essayer de parler au dragon, un cambriolage devait toujours finir par une baston, etc. On ne jouait jamais que du Porte-Monstre-Trésor grosbill linéaire. Je ne comprenais pas pourquoi, mais je devenais de plus en plus insatisfait ; je ne savais pas qu'il nous manquait le roleplay. 

Mon ressentiment grandissait, mais j'acceptais le PMT pour pouvoir continuer à jouer. Je sortais d'un isolement sur le plan amical de 4 ans de collège, et Dejit était le seul à me fournir ma dose de JdR. J'étais persuadé que personne d'autre ne voudrait se lier avec moi, pauvre petit Caliméro. 
Pour finir, j'ai enchaîné les gaffes pour faire tuer mon perso, ce qui arriva je ne me souviens plus comment. Corwin était déjà mort pour moi depuis longtemps. 
Ma seule tentative de maîtrise avec le scénario de Secret of Evermore fut balayée, vite fait, parce qu'il a joué son grosbill, rendant mes streums inadaptés et mes 24 énigmes dans la même pièce encore plus barbantes.

Heureusement pour moi, je n'en ai été dégoûté du JdR, loin de là ; l'idée que le théâtre est l'autre face de la même passion reste le déclic le plus important pour ma vie de rôliste. Explication : dans les deux cas je peux m'immerger dans l'imaginaire des autres et participer à l'évolution de l'histoire. 
Au théâtre, l'acteur doit à la fois trouver en lui son interprétation et l'universalité de ce personnage pour toucher le spectateur (c'est le pathos je crois).
Dans le JdR, le roleplay, qu'il soit caricatural pour déconner ou hypra-sérieux, l'identification et la représentation sont identiques au théâtre d'improvisation. L'interaction entre la situation et le rôle donne le La au joueur pour sa prestation. 
Il y a tout de même une différence avec le métier d'acteur où l'on doit servir le rôle alors que le joueur peut se permettre de se servir du rôle pour cabotiner.

Situation rôliste actuelle

Depuis que je suis en fac de droit, j'ai eu un éventail assez diversifié de persos, dont un gnome illusioniste-voleur forgeron et redresseur de torts, un prêtre jumeau avec un autre perso, une demi-orque barbare en quête de respect, un malkavien ne supportant pas la vue du sang,... et j'espère avoir beaucoup d'autres boulets barjots qui ne servent à rien pour faire avancer l'aventure mais qui font de bons camarades, plus ou moins bien intégrés dans le groupe. Je suis plutôt porté vers l'anticonformisme dans la création de persos et leurs réactions, sans chercher l'originalité à tout prix.

Et je cherche à maîtriser à l'époque des pirates - en tant que révoltés contre l'ordre établi, cette période de "la course" me prend à coeur. Il y a une utopie de liberté qui se dégage de la mythologie des pirates, et de la navigation en général (seul face à l'immensité renforcée par l'exotisme où tout semble possible - puisque différent - pourtant l'homme est partout le même). Ainsi mes goûts reflètent-ils mes convictions politiques.

Mes expériences de PJ et MJ sont diverses, plus ou moins heureuses, mais je n'oublie pas le principal: m'amuser avec les autres en interprétant des personnages POUR LE PLAISIR, au lieu de jouer pour appliquer des règles, faire rouler des dés et prendre pour argent comptant les univers proposés ; je sors encore le jour malgré mes séances de Vampire

[1] Un rapprochement peut être fait avec des histoires où des mères favorisèrent l'accès au JdR sans s'y impliquer elles-mêmes "Il était une fois: tout est de la faute de ma mère"(sur le site de la VF de PTGPTB) et aussi, plus large et en anglais " parents power " (retour)
[2] pour étayer mon affirmation, je vous renvoie à de plus larges développements dans les 8èmes et 9èmes parties de l'Histoire du JdR (retour)

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