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Jeux de Guerre et Jeux de Rôles : Faut-il choisir son camp ?

- Le Retour (des irréductibles gaulois)

par Bertrand Carnat

L’ordre de bataille du wargamer

Ainsi donc, de tendres lecteurs se penchent interrogatifs sur ma prose vertigineuse ! De quoi devions-nous parler ? Ah oui ! De la guéguerre absurde entre rôlistes et " warriors " ! Je discutais récemment avec l’un de mes poulains, aujourd’hui respecté comme notable du club, concernant cette fameuse différence entre rôliste et " warrior ". Malgré son jeune et son expérience limitée, ce stratège en herbe ne manquait pas de pertinence dans ses propos. Je vous les livre d’ailleurs tels qu’ils me furent adressés : "  Certains rôlistes sont capables d’apprendre des règles de 300 pages mais restent incapables de lire un livret de 10 pages expliquant comment jouer à un jeu de plateau ! ". 

C’est foncièrement vrai et désolant ! Mais là n’est pas notre propos de sage naviguant dans des sphères bien supérieures de la compréhension des choses humaines ! Si un rôliste connaissant par cœur tant de règles particulières se déclare incapable de comprendre un jeu de plateau facile d’accès (donc adressé à des 7 ans et plus), c’est qu’il manque de bonne foi. 
Un tel comportement ne peut appeler qu’une seule réaction de ses partenaires de jeu : une éviction pure et simple (et manu militari si l’indésirable se montre plus collant qu’un inspecteur des impôts à la veille du 15/03 !).

De la naissance d’un peuple

Bon, comme je l’indiquais dans mon premier article, le jeu d’histoire constitue une source intarissable pour les jeux de rôle, voire les jeux de plateau.

Le monde qui me sert pour ma campagne AD&D dernière version fut imaginé puis créé depuis mes jeux d’histoire ! C’est ainsi que chacun des peuples habitant ce monde créé de toutes pièces fut inspiré et copié d’après des peuplades ayant réellement existé ! 
Ainsi, la nation d’origine de mes PJ fut créée à partir de l’exemple historique des Celtes de Gaule et de Belgique, sans que je sois obligé de déterminer lesquels étaient les plus fous ! 

L’Histoire me servit de référence générale tandis que mon imagination (fortement productive) me permettait de leur apporter quelques modifications pour les besoins de la cause. Les règles de DBM (et celles de Champs de Bataille tout autant en sachant, cependant, que les adaptateurs procèdent à des simplifications aussi inutiles que débiles) procurent, à cet effet, de très bons schémas de départ : le livret d’armée n°2 permet de décrire une armée gauloise au matin d’une grande bataille. 
Les armées antiques représentaient de façon assez fidèle l’organisation sociale d’une civilisation : l’armée gauloise présente les caractéristiques suivantes :

  1. La cavalerie est composée des nobles et de leurs suites.
  2. L’infanterie représente la plus grande majorité de cette armée et elle est composée des hommes libres de la nation.
  3. L’infanterie légère est composée des jeunes adolescents pressés de prouver leurs valeurs mais peu équipés ( tirailleurs ) ou d’hommes libres trop pauvres pour s’équiper comme les guerriers de la ligne de bataille (archers).

Mine de rien, nous avons un début d’organisation sociale : des nobles, des hommes libres, des adolescents et, surtout, des absents : esclaves, serfs, …. 
Les histoires de druides, bardes, les bagarres internes devant le poissonnier sont aujourd’hui des faits connus plus ou moins de tous tout autant que l’attrait quasiment " génétique " de nos chers ancêtres pour les libertés individuelles. 

Transposer les renseignements de jeu d’histoire au jeu de rôle n’est guère difficile : un allié obligatoire signifie que le peuple en formation est représenté par plusieurs états liés entre eux par la notion de clientélisme (rien à voir avec les noires actions de nos politiciens modernes). Je " découpe " donc ce peuple en trois parts non égales : un Grand Roi, un prince héritier et un allié turbulent et indépendant. Trois royaumes distincts ? J’ai donc un commencement d’organisation politique : quels sont les liens entre le Grand Roi et son allié ? Entre le Grand Roi et le prince héritier ? Le prince héritier et l’allié ? Entre ces trois nations ? Répondre à ces questions, c’est déjà commencer à décrire plusieurs peuples ! Et plusieurs peuples forment un monde … Petit à petit, l’oiseau fait son monde …

De façon plus interne, la religion de nos gaulois est connue : fondée sur la nature et pour la nature, la religion druidique reste, somme toute, régulièrement décrite dans moult ouvrages (pas tous très fidèles ou opportunistes, alors méfiance !) ou, dans les grandes lignes, connues des plus cultivés d’entre nous (il nous faut donc supprimer de ces " gens cultivés " tous ceux qui traînent leurs études scientifiques comme des casseroles bruyantes). 
Nature, démocratie, individualisme forcené forment l’ossature de la civilisation celte, celle-là même qui domina l’Europe actuelle (et plus) avant même que cette Europe unie ne devienne le plus gros produit vendu par nos politiques. Je parle de dominance culturelle plus que militaire car les Celtes n’ont jamais intégré la notion d’armée professionnelle sauf dans le cas bien particulier des " ambacts " ou gardes du corps des seigneurs les plus puissants ! Quand la nation est en danger, les hommes libres s’arment, rejoignent leurs rois et se battent autant que possible jusqu’à la victoire ou la défaite ! La description " rôliste " des personnages principaux est parfaitement possible avec les ouvrages que j’utilise (Skills & Powers, Combat & Tactics et Spell & Magic) et je me permets même d’y inclure quelques surprises pour mes joueurs pour qu’ils puissent jouer autre chose que des druides, des guerriers et des mages " naturels ".

Le décor est planté, les joueurs prévenus et leurs personnages créés par les bons soins du MJ (Ah ! C’est moi dans toute ma splendeur !) : les premières aventures destinées uniquement à être vécues sur les terres gauloises ont un background complet et disponible, … , à peu de frais !

De la vie d’un monde

Faire vivre un monde, c’est, pour ceux qui connaissent, l’opération inverse des Royaumes Oubliés de TSR dont le seul mouvement est le déplacement des magiciens 30ème niveau lors du Grand Marché Annuel de la Betterave et du Navet ! 

Certains joueurs de ma connaissance ont même sauté le pas et ont décrété que  ces Forgotten Realms devenaient des Forbidden Realms (jeu de mots compréhensible uniquement par ceux qui manient Shakespeare dans le texte)  ! Un monde vit, évolue, régresse mais il est sans cesse en mouvement, en mutation. Le principal moyen d’expression de l’époque réside dans la guerre : affaires d’honneur tout autant que de survie, les conflits sont nombreux dans les mondes antiques et médiévaux ! 
Alors, pourquoi un MJ ne pourrait-il pas amener ses joueurs à prendre une part active aux affaires de son monde ? Récompense à la clef, chaque joueur doit interpréter son personnage mais aussi s’occuper d’un peuple bien particulier : il joue son personnage puis prend le rôle d’un roi, d’un empereur, d’un consul ou d’un grand prêtre ! Cette solution offre au MJ une source intarissable de complots, invasions, guerres, haines, amours grâce à l’imagination des joueurs qui dépassent leurs propres rôles, font évoluer ce monde comme sur un jeu de plateau et, finalement, s’intègrent parfaitement dans les histoires proposées par le MJ !

L’un de mes joueurs dispose ainsi d’un double rôle : Voleur dans la campagne AD&D, il devient, une soirée ou deux par mois, le terrible ambassadeur d’un royaume menacé par une guerre civile religieuse et cherchant toute l’aide possible pour sauver son souverain de la déchéance ! 
Un autre encore, mage dans la campagne, joue un Roi fou et cruel qui rêve de se conquérir le plus grand empire de tous les temps ! Les aventures ne sont pas les mêmes entre les deux niveaux proposés mais les deux concourent à rendre plus " vrai " le monde proposé. 

Je ne crains plus la panne d’idées car leur imagination m’apporte toujours de nouvelles propositions ou idées qui impliquent des répercussions sur la réelle campagne de jeu de rôle ! Pour résoudre les grandes batailles, j’utilise Champs de Bataille de Vae Victis parce que c’est l’un des plus simples jeux d’histoire sur toute l’Antiquité. Les mécanismes sont compréhensibles de tous mais restent suffisamment fins pour eux ! Bon, il y aura toujours des joueurs qui trouveront dégradants de jeter des dés à 6 faces pour résoudre des batailles ! Ce sont généralement les mêmes qui veulent jouer des égyptiens armés comme des croisés parce " qu’ils tapent plus forts ", ce sont les mêmes qui se contentent de lire Astérix pour " connaître " la civilisation celte et les mêmes qui professent des idées du 20ème siècle en plein milieu du 4ème 

Enfin, dans ma campagne, ce sont les mêmes qui ne veulent jouer que leur personnage et se foutent du reste parce que c’est du ressort du MJ ! D’autres, au contraire, se prennent au jeu, lisent quelques livres et m’apportent des éléments nouveaux pour enrichir ma campagne. L’imagination d’un rôliste reste l’imagination tout court appliquée à un jeu et, comme MJ, je suis foncièrement remonté contre ces " inutiles " qui viennent occuper un siège dans une campagne mais, surtout, ne jamais s’impliquer dans celle-ci ! Les récompenses leur passent, régulièrement, sous le nez mais moins que les problèmes tandis que le décès du personnage entraîne irrémédiablement le départ définitif du joueur !

Depuis, " mon " monde vit, évolue, subit de terribles catastrophes à un rythme que je contrôle (c’est la seule chose sur laquelle je garde une mainmise absolue !). Les règles d’AD&D me permettent de gérer les micro-aventures et les règles de Champ de Bataille me permettent de gérer les macro-aventures. Les passerelles de l’un à l’autre sont faites et bien faites : le prochain babillage que je livrerai à vos oreilles attentives montrera à quel point, il est simple de concilier les rôlistes "exclusifs" et les autres qui souhaitent avant tout s’amuser sans négliger un type de jeu particulier.

D’ici là, rappelez-vous le premier commandement de tout jeu de rôle :
" quand le dé roule, la magie du jeu de rôle s’évapore ! "

Bertrand Carnat

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