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Quelle
est la partie de JdR dont vous vous souveniez encore, des années
après ? Pourquoi ? Y a-t-il une partie qui a changé votre
manière de voir ? Qui vous fait encore réfléchir ?
Ci-dessous,
voici ma réponse.
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Cétait
il y a quelques années. La partie qui ma laissé un souvenir impérissable
nest pas celle où mon personnage est devenu le roi du monde ni celle où il a
sauvé la galaxie. Dailleurs cétait la première fois que je jouais ce
personnage à Daredevils : un haut fonctionnaire britannique, enrichi par la
seconde guerre mondiale, qui donne des conférences sur la menace que la Chine de 1956
fait peser sur le Monde Libre.
Les quatre
premiers cinquièmes de la partie inoubliable sont confus et brumeux. Il y avait eu un
coup détat au pays perdu de Costa Verde. Le dictateur avait fui avec son
gouvernement et lor quil avait extorqué à son peuple. Edward
Callaghan, mon
personnage, suit les autres dans un vieux coucou, pour livrer des armes ou apporter de
laide humanitaire, à moins que ce soit pour emmener le dictateur à
létranger.
Il faut que je
reconstitue le milieu de lhistoire à partir de souvenirs épars. Nous poursuivons
le dictateur dans la jungle, et nous tombons sur les cadavres dégoulinants de sang des
membres de son ex-gouvernement, autour desquels bourdonnent déjà des mouches. Le
dictateur et ses gardes du corps mercenaires ont égorgé les " poids
morts "
Suivant leur
piste, nous arrivons sur la côte.

Au large erre une barge de débarquement en
panne d’essence, prise dans un courant circulaire ("derelict"). Cherchant
une embarcation, nous faisons prisonniers un couple de mercenaires: que font-ils
là? En fait, des
militaires fidèles attendaient le dictateur dans la barge, les mercenaires du
dictateur l’ont pris d’assaut (quelle ingratitude !); Sven et Gunilla eux, sont restés
en arrière.
Les cadavres enchevêtrés de
militaires et de mercenaires tapissent le fond de la barge. Nous
ouvrons les portes du fond de la cale pour nous débarrasser des corps, qui
coulent au fond de l'océan.
Un peu plus tard,
le dictateur et son dernier carré sont de retour. Eux aussi se sont retrouvés
prisonniers du courant circulaire et ils se sont encore entretués. Ils attaquent,
nous gagnons. Un moribond nous apprend qu’ils avaient caché l’or sous les cadavres
de la barge. Ce qui signifie que ce trésor maudit est à présent perdu pour tout
le monde sous 1000 m d’eau. Rideau.
Jusquici,
cette partie na pas grand chose qui aie pu la rendre inoubliable, à part son côté
série B / roman de gare dont elle était dailleurs inspirée (Brussollo paraît-il.
Ses livres me donnent mal au cur).
Mais le Maître de
Jeu a voulu rajouter une touche finale. Il nous décrit le retour à travers la jungle,
accompagné du couple de mercenaires. Ils se demandent ce quils vont faire à
présent.
Moi / mon personnage
se demande ce quil faut faire deux. Je mimagine marchant derrière
eux, avec ma mitraillette. Ces deux-là ont assassiné à qui mieux mieux. Ils
nont pas lombre dun remords. Tout cela en vain ; ils ont raté
le trésor. Ils doivent passer en jugement pour leurs crimes. Mais ce serait
risqué dessayer de les faire prisonniers, et pas du tout pratique de les
amener devant un tribunal.
Il
faut les exécuter là, dans la jungle. Est-ce que je prends le temps d’expliquer
à ces mercenaires, que je les ai jugé et condamné à mort, en mon tribunal
personnel, en mon âme et conscience, en punition de leurs crimes ?
Comme ils sont
armés et quils ne se laisseront pas faire, je ne peux pas prévenir les autres
personnages. La seule solution est de leur balancer lâchement une rafale dans le dos. La
gâchette me démange. Je commence par lhomme ou la femme ? Celui que je ne tue
pas instantanément risque de riposter
Puis-je
mériger en accusateur, jury et bourreau ?
Toute mon
éducation, et celle de mon personnage, me poussent à ne pas laisser ces meurtriers
sen aller impunément.
Mais je / mon
personnage avais vu trop de morts vains dans cette histoire. Cela naurait servi à
rien den rajouter encore deux. Lassé des massacres, je les ai laissé s'en aller.
Cétait la
fin de la nuit de jeu. Fatigués, les autres joueurs assistèrent passifs au déroulement
de lépilogue. Personne ne se doutait du dilemme moral qui tempêtait dans mon
esprit. Je me faisais tout seul un petit film avec un décision déchirante à
prendre.
Le MJ conclut: " Ils vous quittent
Quelque temps après, vous
recevez une carte postale dIndochine, sans texte. Cest sûrement deux.
Ca commence à chauffer, à cette époque en Indochine"
Rideau définitif, les
mercenaires sont allés se faire tuer ailleurs.
Ainsi, cette
partie mest restée parce que jai vécu un de ces rares moments
didentification avec mon personnage. Proche de ma sensibilité, je / il était
complètement largué au milieu des tueurs, et jai violemment ressenti un cas de
conscience que le MJ navait pas eu lintention de nous soumettre.
Aujourdhui encore, je me demande ce que j'aurais du faire; je continue à minterroger sur la
Justice, sa légitimité, son
application systématique, le pardon, la culpabilité de simples exécutants
Et même si des lecteurs m'écrivent
qu'eux n'auraient pas hésité à flinguer les mercenaires, cette expérience
m'a révélé que j'étais capable de miséricorde, que je n'étais pas, moi le
joueur, un doctrinaire.
Cest grâce
aux sentiments et aux émotions quelles déclenchent en nous que les parties
restent dans les mémoires.
MJ, créez des
scénarios qui interpellent la sensibilité des joueurs.
Joueurs, jouez
des personnages avec une conscience.
Elle vous
poursuivra.
(c) Rappar
A votre tour! Prenez votre plume et
mailez-moi votre partie inoubliable, et surtout les raisons pourquoi elle vous a
marqué. elle
finira peut-être
sur ce site. (et vous devenez riche et
célèbre. Enfin bon, pas riche. Et guère plus célèbre) |
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