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Quelle
est la partie de jdr dont vous vous souveniez encore, des années
après ? Pourquoi ? Y a-t-il une partie qui a changé votre
manière de voir ? Qui vous fait encore réfléchir ?
Suite à un débat sur la triche aux dés pour sauver son personnage,
O.Z.
racontait sur le forum:
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(* fumble = échec critique)
C'est marrant, j'ai jamais vu un gars tricher de façon à ce que son perso s'en prenne une dans la tronche... C'est toujours pour une "bonne"
raison du genre "si je fais pas ça je suis mort" ou "si je fais pas ça le scénar est foutu" ou "si je fais pas ça je suis trop nul" ou "j'ai
pas fait exprès"...
Une fois à Cyber... J'avais un perso TRÈS expérimenté, que j'avais joué des années et que je "sentais" super bien (point de vue roleplay). Bref,
je n'avais pas DU TOUT envie de le perdre. J'ai dû faire un jet contre la mort, le PJ étant tombé en blessure mortelle X (avec X suffisamment
grand et le Trauma Team suffisamment loin pour que je sois dans la merde noire).
Et quand on a ce petit D10 qui roule dans la main, et que l'on sait que si c'est un 9 ou un 0 qui sort, c'est fini,
ben on a les mains moites et l'estomac noué...
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Et je peux te dire que
le MJ non plus n'était pas super content qu'on en soit arrivé là. Y'a
eu un grand silence, on a tous regardé, et j'ai fait rouler le dé bien
clairement, bien proprement, bien à plat, pour qu'il n'y ait pas de
contestation possible.
Et mon perso a survécu à ses blessures. |
Du coup, ce hasard et cette honnêteté font que cet événement fait partie du
jeu de rôle (roleplay) et du background de mon perso. Et qu'il ne s'agit pas
simplement d'une histoire de bout de plastique bougé pour décider du sort d'un
bout de papier (parce que dans les faits, c'est à ça que ça revient...). Et
pour moi, le joueur, c'est infiniment plus satisfaisant. Et je m'en souviens
avec joie.

Même
jeu, même perso, autre occasion.
Sans détailler tout le scénario, disons que nos PJs (et nous) s'étaient fait
baiser sur toute la ligne et que je venais de me rendre compte avec horreur
que mon perso venait de faire quelque chose de complètement contraire à sa morale
et son honneur (c'est difficile d'exprimer à quel point c'était fort...). Et
j'avais une possibilité de me racheter et de sauver mon honneur. J'avais 90%
de chance de réussir, plus ou moins bien. J'ai lancé le dé, confiant.
Et j'ai fait 1.
Fumble.
Je n'ai JAMAIS été aussi désespéré de louper un jet. Jamais. Ni avant, ni après,
sur quelque jeu que ce soit. De tous les jets qu'il ne fallait pas rater, c'était
bien celui-là le premier (oui, avant même celui de mon premier exemple !). Je
me suis effondré, la tronche en plein sur le dé, m'écrasant le pif et manquant
de péter mes lunettes, faisant sursauter tout le monde, puisque personne n'avait
rien vu (il faisait sombre et c'était un dé noir fumé).
Et j'ai annoncé "fumble..."
Ca aurait été facile de tricher. Personne n'avait vu. Je ne l'ai pas fait. Là,
c'est vraiment un coup de malchance qui a fait que mon perso n'a pas réussi.
Et ça arrive, en JdR comme dans la vie. Et ce &*#$!" de fumble a vraiment
changé la vie de mon perso. Pour être franc, j'ai même réfléchi longuement pour
savoir si mon PJ allait se suicider ou non [mon _PJ_, pas moi, hein, c'est compris
les journaleux ? ;) ]... Ca ne m'est jamais arrivé avec un autre perso.
Finalement je ne l'ai pas fait (en partie parce que le MJ furieux m'a dit qu'il
ne me laisserait jamais faire ça), mais ce déshonneur, ce fumble, a changé très
fortement le comportement de mon perso...
Cette partie nous a tellement marqué...
C'est la seule partie où à la fin du scénar, nous (joueurs) sommes restés sans
rien dire pendant... je sais pas, 5-10 minutes, à essayer de nous remettre.
Et encore, c'est le MJ qui a commencé à s'inquiéter et qui nous a remonté le
moral après.
Et ça, tu vois, ça fait partie du roleplay, de l'histoire de mon perso. Ce n'est
pas simplement un bout de plastique qui a montré un signe ou un autre. Et pour
moi, le joueur c'est infiniment plus satisfaisant. Même si je l'ai encore en
travers de la gorge, ce putain de coup de malchance qui est arrivé à mon PJ
il y a 4-5 ans....
Et dans les
deux cas, je peux vous dire que je regretterais vraiment d'avoir triché ou voulu
tricher.
(c) O.Z.

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Rappar
Le débat des
dés fait revenir à mon souvenir deux anecdotes:
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La première, à Traveller, au
tout début d'une aventure, les PJ se rendent en vaisseau spatial à l'endroit
ou débute l'aventure proprement dite. Le MJ fait un fumble aux dés lors du voyage
superluminique: le vaisseau des PJ se perd dans l'espace, les PJ se mettent
en hibernation, d'où ils sont récupérés quelque 30 ans plus tard.
Eh bien le
MJ applique les résultats des dés comme si de rien n'était et recommence
à zéro le scénario. Du style, les personnages s'interrogent: "eh bien mon capital
a fructifié, puisque je ne l'ai pas dépensé, calculons les intérêts
capitalisés", etc.
Cela
m'a rendu très perplexe, ce MJ qui renversait lui-même son scénario même pas débuté
pour se lancer dans l'impro, parce que les dés (qui ne servent qu'à faire du
bruit derrière le paravent) lui ont dit "fumble"!
La seconde anecdote,
à Chill (MJ moi-même). Les persos ont repéré un notable qui
va sacrifier sa pupille à un démon. Bien.
Ils l'ont mis sur écoute, donc ils
connaissent la date de la "cérémonie" (mais pas le lieu). OK.
Ils veulent le suivre pour le prendre sur le fait
avec ses complices. Jusqu'ici, tout va bien.
En attendant le jour J, les PJ
s'occupent en allant en discothèque, etc.
Étrange période d'attente où
la tension ne monte pas tellement autour de la table.
Le jour dit,
à l'heure prévue, le notaire sort de chez lui et charge dans sa voiture un tapis
roulé qui semble bien lourd... Les PJ sont dans leur voiture, prêts à le suivre, armés et appareils
photos prêts. Jusqu'ici tout va bien.
Je demande
un jet de conduite (sur 1d20) pour la filature: 10 ! dans mes règles c'est une panne mécanique.
La voiture des PJ ne démarre pas! Elle cale! La voiture du notaire s'éloigne bien tranquillement
vers un lieu inconnu !
Eh bien je
suis revenu sur ma règle, j'ai dit: "ah ben non finalement la voiture démarre".
Ben oui, la voiture qui ne démarre pas, c'était trop gros.
Et à la réflexion, des années après, je me dis que j'aurais dû l'appliquer.
Ce résultat de dés était un formidable générateur de
tension dramatique : la voiture ne démarre pas, je plonge les PJ dans la merde
sans savoir s'ils s'en sortiront.
J'ai demandé à un joueur ce qu'il aurait
fait, et ils m'a répondu que son PJ aurait couru après la voiture du notable pour ne pas la perdre de vue (!). Vous imaginez la scène ?
Le suspens aurait été digne du film
"faux témoin", lorsque le héros qui est sensé suivre le tueur qui a embarqué
"la proie" ne peut démarrer sa voiture... Quand on voit ça, on se dit que
c'est une ficelle ÉNORME. Mais cela marche. Le spectateur est embarqué dans le
mouvement.
Si je n'avais pas jeté les dés, je n'aurais jamais eu l'idée de ce moyen de
faire monter la tension. Je n'aurais jamais décidé de mon propre chef que le
moteur calait, parce que cela aurait semblé artificiel, et que
mes joueurs auraient crié à la tyrannie. Ici, un joueur jette le dé, devant tout
le monde: c'est le Destin (la guigne, la scoumoune, la loi de Murphy, ce que
vous voulez) qui pesait de tout son poids pour apporter un éclatant
rebondissement à un déroulement poussif.
Autant le fumble dans le cas du saut hyperspatial aurait dû être ignoré car il
envoyait son scénario dans le Grand Vide, autant celui de la voiture qui
refusait de démarrer
renforçait mon scénario.
N'abandonnez jamais les échecs critiques. Sans eux, les aventures sont des
promenades de santé, où les plans des personnages se déroulent comme prévu,
sans surprises.
Avec eux, elles deviennent des parcours du combattant sur des fils
d'équilibristes, où, jusqu'au bout, rien n'est joué.
N'abandonnez jamais les échecs critiques (ni les succès critiques d'ailleurs).
Bien gérés, ils sont le sel de votre partie.
N'abandonnez jamais les échecs critiques.
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