Page précédente ] Accueil ] Retour ] Page suivante ]

Créer un scénario

Allo docteur ? Une patiente nommée Aigue-Marine s'inquiéta: >C'est vraiment si difficile que ça de créer un scénario si on a jamais fais une partie de jeu de rôle?

Le Dr Stef, de passage sur le forum, prit sa plume pour, s'appuyant sur des années de pratique et d'expérimentation innovante, soulager l'angoisse de la patiente. Merci Docteur !

Re: Petite nouvelle demande conseils!!!

>C'est vraiment si difficile que ça de créer un scénario si on a jamais fais une partie de jeu de rôle?

Dr Stef Bonne question.
Tu peux avoir de la chance et créer immédiatement un scénario du tonnerre à partir du livre des règles, en particulier si tu as une bonne connaissance de l'environnement du jeu et si tu es un brin psychologue.

Cependant je crois que plus probablement ca va tomber à l'eau ou du moins connaître des ratés au moment du baptême de feu, à savoir la partie.

En effet, un bon scénario doit tenir les joueurs en haleine. Plus grande est leur motivation, plus la tâche est facile, cependant dans le meilleur des cas, un rythme est nécessaire. Un peu d'action, un brin de découverte, un peu d'enquête, une pincée de logique, du roleplay etc. Et au vrai, le dosage de tout ça ne va pas sans mal: tu peux avoir préparé une superbe explication historique d'un vieux mago noueux que tu trouves extra et qui va plonger tes joueurs dans une somnolence irréductible.

Puis peu après, ta bataille épique se transforme en une longue série de jets de dés. Et après tes joueurs décident de se scinder en deux groupes pour "multiplier les chances de succès" et du coup la moitié s'emm.... profondément pendant que tu cherches désespérément un moyen de découvrir l'ubiquité.

A mesure que tu joues (ou que tu diriges) des parties, tu en apprends de plus en plus sur ce qui plaît aux joueurs, sur ce qui les accroche, et sur ce qui les endort. Bien sûr il n'y a pas de panacée, pas de recette miracle mais quand même, à force tu évites certaines erreurs.

En premier lieu, le plus déstabilisant pour moi au début, c'était la différence de perception. Tu expliques ce qui se passe sous les yeux de trois joueurs, les trois réagissent comme si ils avaient eu une description totalement différente. Il faut réussir à laisser place à l'imagination sans pour autant faire fi de la cohérence. Décris une fillette en train de pleurer devant un puits , tu as un joueur qui amorce une tentative de séduction, un autre qui veut lui faire les poches et le dernier qui essaye de la consoler. Les trois s'embrouillent, toi tu essayes de mettre les choses au clair, mais bon tu as un voleur professionnel, un noble paladin, et un jeune écuyer en mal d'amour dans l'équipe alors forcément ca coince, d'autant qu'ils veulent tous jouer leur rôle.

De plus tu as aussi besoin de savoir qu'un scénario, c'est pas un roman. Si tu voulais refaire les 39 marches ou Bons Baisers de Russie, tu vas vers la déception. Même si certaines parties atteignent parfois des sommets dans la finesse et la créativité, il faut reconnaître que même des jeux franchement orientés Roleplay permettent bien souvent au mieux des caricatures.

Je pense en particulier à l'excellent Maléfices, où, qu'on le veuille ou non, et même si les dernières parties que j'ai dirigé se jouaient sans dés, ca restait plus du Brigades du Tigres sauce Sherlock Holmes version la Poupée Sanglante, que de la grande littérature. Est-ce une critique du JdR ? non.

Car même si c'est rare, on parvient parfois à toucher à du grand art, avec de la métaphysique, de la philosophie en restant passionnant (Je pense à Blade Runner en écrivant ça.). Je me souviens d'un scénario bien tripant à un seul joueur de Vampire, au cours duquel mon joueur s'incarnait lui même dans la vraie vie et se retrouvait à Londres avec sa maman (qui a l'époque nous préparait des gâteaux en prévision de nos parties et avec laquelle je m'entendais bien). Arrivé à Londres le joueur voit sa mère se faire draguer par un type un peu arriviste au physique de rêve (bien entendu un vampire) qui n'était autre que son perso habituel dont je reprenais les principales idiosyncrasies [manies]. Par la suite cela dégénérait en un duel plutôt noir dans un Londres by night vaguement gothique où je prenais un malin plaisir à lui faire jouer tantôt son propre rôle et tantôt le rôle de son personnage avec les changements d'objectifs que cela sous-entends.

C'était un peu expérimental pour nous surtout à l'époque mais je dois dire que mon joueur étant parfaitement à la hauteur, ce fut une de mes sessions en tant que MJ les plus passionnantes.

Ce que je veux dire, c'est que pour un scénario profond et intéressant, tu risques d'en produire un paquet avec juste "je cherche je tue" (encore que ça soit une façon parfaitement honorable de jouer et que ça peut donner lieu à des choses passionnantes.)

Mais même pour une quête moyenne, pas complexe, pas ultra-recherchée, l'expérience va servir. Tu as besoin d'équilibrer entre linéarité et liberté des joueurs: si ils sentent qu'ils ne contrôlent rien, ils décrochent. Si ils ne savent plus quoi faire car ils n'ont pas assez de panneaux indicateurs ils s'endorment.

Si leur personnage n'a pas l'occasion de faire son petit show avec ses talents, ou son alignement, ou ses petites manies, ils sont frustrés.

Si ca ne bouge pas assez ils baillent. Si ca bouge trop, ils se lassent de lançer les dés.... etc. etc. Tout ça c'est une mécanique bien huilée et ça s'improvise difficilement. Un maître inexpérimenté saura faire tout ça du premier coup peut-être. Mais 100 autres auront besoin de tâtonner avant d'y parvenir.

Merci d'avoir lu ces inepties jusqu'ici :o)

Merci Docteur !

Page précédente ] Accueil ] Retour ] Page suivante ]