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Par Kédrik
Témoignages
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ILS sont là, ILS sont partout, ILS reviennent du fond des
âges barbares, inchangés, maîtrisant comme Avant... et
Kédrik les a vu... Il risque sa santé mentale en revivant pour
nous ces instants! |
Bon, cela s'est passé à la convention d'Yverdon les
Bains 2002… Dimanche, c'était l'occasion de faire du JdR, du vrai,
avec des morceaux de jeu et de rôle dedans.
Un groupe de Suisses m'invitent à jouer avec eux à DD3, plus
précisément dans le monde de Greyhawk (créé il y a 15 ans par Gygax
pour ceux qui ne révisent pas leurs cours d'histoire du JdR). Je créé
donc poussivement un personnage. Il faut dire que tout était en anglais
et que le MJ ne voulait pas s'occuper de la création car "tout est
dit dans le Player Handbook". Je voulais faire un demi-elfe
étudiant en magie qui se rend compte que les études coûtent cher, et
qui devient voleur pour financer son cycle d'études (un bon vieux
biclassé mago-voleur quoi !). Mais comme on ne peut pas être biclassé
au 1er niveau, mon MJ me glisse à l'oreille : " fais un
voleur car au premier niveau ça te fera plus de points de
vie ".
Le MJ nous demande d'engager un PNJ afin de nous seconder car nous
sommes trop faibles pour le danger de son module. Nous avons donc un PNJ
nain (avec sa hache) dont le MJ précise qu'il ne va pas faire de
roleplay, que ce n'est qu'un PNJ après tout.
Comme je suis un joueur Français, mon personnage provient
obligatoirement du royaume d'Ekbir. Ah oui, je ne vous l'ai pas dit,
mais la campagne de Greyhawk est interactive et internationale puisque
maîtrisée par de très nombreux MJ dans le monde. Chaque royaume est
en guerre contre ses voisins et les joueurs des différents pays
s'affrontent à travers leurs personnages au cours de grosses
conventions (Gencon ou autre). Ainsi les Anglais font la guerre aux
Français. Bref, c'est un espèce d'Everquest, mais sur table. Le tout
est chapeauté par un organisme américain (RPGA) qui fournit les
scénarios officiels et la storyline.
2 heures plus tard l'aventure commence. Nous pouvons dépenser 12 PO
pour avoir à manger pour la semaine comme ça on ne s'ennuie pas avec
les aspects routiniers de la vie de nos personnages (et pourtant… mais
vous allez voir).
Nous sommes sur un bateau "pour des raisons qui sont propres
à vos personnages et qui ne regardent que vous" dixit le MJ (en
gros t'es là on sait pas pourquoi mais on s'en fout, c'est pas
important). En guise de présentation nous avons juste le droit de dire
notre nom, notre race et notre classe.
De lourds nuages grondent au-dessus du bateau en moins de deux. Paf, un
éclair casse le mât de notre bateau. Bing, un deuxième éclair tombe
dans l'eau à proximité et créé une grosse vague qui vient faire
tanguer le bateau. Jet de dex : t'as raté ? Tu tombes à la mer. Mes
camarades tombent tous et je reste à bord. Le MJ est déçu que je me
sépare volontairement du reste du groupe et semble attendre que je me
jette à l'eau par solidarité. Du coup le capitaine décide d'aller
faire échouer son bateau sur une plage pas loin.
Mes camarades suivent à la nage sans problème (2h de nage estime le
MJ). Arrivé à terre, le capitaine nous explique qu'un messager a été
emporté par la vague et qu'il faut le retrouver car il a un message
méga-important en relation avec la guerre entres les royaumes. Zou, on
se coltine la traque du type en pistant ses traces dans le sable (série
de jet de dés où le MJ me dit 'Vas-y fais moi un Spot
Check" . C'est limite si je ne lui donne pas mes résultats en
anglais).
On croise des hobgobelins avec qui on fait du troc pour avoir des infos.
Le MJ est super impressionné car nous n'avons pas tué ses monstres.
Visiblement déstabilisé, il finit par nous dire "pour vous
récompenser de votre ruse, je vous donne les mêmes XP que si vous les
aviez tués". Je me sens un joueur très intelligent d'un coup.
On trouve d'autres traces et un château en ruine avec un garde orc qui
surveille les environs. Je me faufile dans son dos (après quelques Move silently Check et autre
Hide Check) et
j'annonce que je l'assomme. Visiblement, je viens de dire une
hérésie : le MJ me demande de confirmer mon action (C'est votre
dernier mot Cédric ? Oui, Jean-Pierre, je l'assomme). Du coup j'ai pas
de bonus de backstab puisque je n'essaye pas de le tuer (car assommer
n'est pas tuer, c'est vrai quoi !). Je maintiens ma décision, MJ
devient tout rouge et me dit "Non, tu dois le tuer, c'est un orc,
il mange des humains et des elfes !". Cette remarque
culinaire finit de me convaincre et je m’exécute et je l’exécute (l’orc,
pas le MJ).
Le reste du donjon est rempli d'orcs mais nous avons la délicatesse de
délivrer notre captif sans bruit et sans baston. Le MJ nous dit non
sans sentiment naturel de supériorité que si nous avions été des
joueurs américains, nous aurions foncé dans le tas. Puis il avoue avec
sobriété que quand lui avait joué ce scénario, il avait foncé dans
le tas et tout cartonné. Je suis ému et j'ai l'impression d'être dans
"C'est mon choix".
Nous rentrons au bateau et là, patatras, c'est le drame, des trolls de
mers attaquent. Nous jetons les dés pendant une éternité ou deux et
finissons par en venir à bout.
Ah oui, les combats : notre MJ a dès le début de la partie étalé une
planche plastifiée recouverte de petits carrés sur la table, et
dessine au feutre Velléda les décors enchanteurs qui nous entourent.
Nous avons tous notre figurine et la déplaçons à tour de rôle. C'est
rigolo. Il nous précise qu’il nous faudra acheter une figurine
ressemblant à notre personnage si on doit rejouer. Les monstres qui
nous agressent sont représentés par des dés, eux. Je suis hypnotisé.
Depuis une table adjacente, Dawed comprend que je suis en train de
mourir à petit feu. Il vient prévenir le MJ que nous devons partir
pour rentrer sur France rapidement. "Ah non", dit le MJ
"il doit d'abord terminer la paperasse avant de partir..."
Et là, j'entre dans la 4ème dimension. Le MJ
tombe le masque: il me sort un imposant dossier qui va servir, m’explique-t-il,
à faire le suivi de mon perso. Tout doit être écrit avant d'être
vérifié et validé par le MJ. Chaque point d'XP doit être
explicitement marqué et justifié. Mes achats sont scrupuleusement
notés. La moindre pièce de bronze doit être comptabilisée et je dois
en expliquer la provenance.
Le MJ se métamorphose alors en comptable pinailleur.
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A chaque niveau, je vais devoir faire une
nouvelle fiche de perso et toutes les garder en archive. |
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Quand les comptes d'apothicaire sont terminés,
il peut apposer sa signature sur les documents pour les rendre
officiels. |
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Dès lors, je peux aller jouer mon perso avec un
autre MJ. |
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Les objets magiques eux, se voient attribuer un
numéro de série qui permet de les identifier précisément. |
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Je dois impérativement avoir tous les documents
sur moi quand je joue car je peux subir un audit de contrôle : un
arbitre peut débarquer et me demander des comptes sur la
provenances de tels points d'XP, de tel objet ou de tel argent...
Il ne m'a pas parlé des peines encourues en cas de triche ou de
fausses déclarations, mais j'ai peur. |
Il me demande si j'ai une e-mail pour m'inscrire sur
une ML dédiée. Je mens en prétendant vivre en station et ne posséder
ni adresse postale, ni ligne téléphonique. Il me tend des papiers pour
rejoindre gratuitement la RPGA à vie. Pris au piège, je prends les
papiers. Alors, il me dit qu'il est content de m'avoir rencontré car il
manque des MJ pour la région savoyarde et lyonnaise et m'explique que
je pourrais rapidement devenir l'un des leurs, Monsieur Greyhawk dans ma
région. Les larmes me viennent aux yeux, je trouve le courage de fuir
en laissant tous les papiers derrière moi.
Ce qui est une grave erreur car je n'ai plus de preuve tangible de cette
expérience mystique.
Il existe une autre réalité, je l'ai vue. Les Envahisseurs sont
parmi nous, ils tentent de dominer le monde. Ils se cachent sous une
apparence anodine de MJ de convention. Mais pendant leur partie, ils en
profitent pour vous laver le cerveau et vous recruter dans leur secte.
Je ne peux rien faire seul, ils sont plus forts que moi. Sans Dawed pour
me faire reprendre conscience à temps, je serais peut-être moi aussi
un MJ comptable anglophone à l'heure qu’il est. Méfiez-vous ...
méfiez-vous...
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