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Lettres de ma vie parallèle

ou: expériences et leçons de parties

L'Honneur de l'anti-samouraï

Dans une caverne, un combat farouche oppose un groupe de justiciers et une bande importante de bakemonos (des gobelins locaux). Rompant brusquement le combat, le samouraï Slimano retourne à l’extérieur, laissant ses compagnons combattre jusqu’à la victoire.

Victorieux mais blessé, blessé mais furax, le samouraï Didiero revient cracher au visage du noble Slimano. Celui-ci dégaine aussitôt; le combat s’engage et Slimano-san tue facilement son adversaire diminué.

Le lieutenant Gillo survient sur ses entrefaites.

-" il est venu l’arme à la main et m’a craché au visage" explique le samouraï Slimano . " Que me reprochez-vous ? Voulez-vous que je me fasse sepuku ? "

-" je n’ose vous le demander " répond, ambigu, le lieutenant.

Et le marionnettiste de Slimano de faire se suicider rituellement son personnage. Peut-être aussi avait-il le remords d’avoir provoqué le départ du marionnettiste Bruno. Heureusement, Bruno-du-Nord n’est pas rancunier…

Qui a raison, qui a tord ? Aurait-on pu éviter ce massacre ?

Partons du fait qu’il est désagréable de voir mourir stupidement des personnages : c’est l’exclusion d’un joueur, la perte d’investissement en roleplaying, en progression et en longue construction de la personnalité du personnage. Cherchons les coupables.

Marionnettiste de Didiero : n’a-t-il pas rigoureusement interprété son personnage ?Marionnettiste de Slimano : pourquoi l’empêcher de faire une interprétation originale : le samouraï qui craque ? Obligé, ensuite, de tuer le témoin de sa couardise ? Qui se suicide pour expier ses fautes ?Le Fuji-Yama

Le Master : certes, il aurait pu raisonner les joueurs et annuler les actions par un flash- back. Mais s’il doit contrôler les personnages des joueurs, alors qu’il contrôle déjà le reste de l’univers, il ne reste plus beaucoup de jeu de rôle.

En fait, nous retrouvons un bon vieux paradoxe. Une partie de jdr est un exercice social beaucoup plus discipliné qu’il n’y paraît : on doit laisser parler les autres, prendre des décisions communes, appliquer les ordres arbitraires du Maître de jeu, etc.

La liberté d’un joueur s’arrête où commence la liberté d’un autre. Voyez plutôt :

Personne ne devrait être empêché d’interpréter un anti-paladin, ou un assassin, ou un anti-samouraï, s’il se sent suffisamment doué. Cela, c’est le côté " liberté individuelle ".

Pourtant, la liberté du personnage qui va à contre-courant de la morale (l’alignement) du groupe de personnages est limitée : au mieux, le groupe se sépare et le joueur s’embête dans son coin, au pire les autres personnages " neutralisent " le déviant. Cela, c’est le côté " pression sociale "

Au final, la sur-interprétation d’un personnage est permise dans la limite où elle ne met pas le groupe dans la m..., et où elle ne fiche pas le scénario en l’air !

Bonnes résolutions :

Ce que je ferais en tant que MJ: limitation du choix de personnage du joueur. Apostrophe publique et verte réprimande au joueur qui pratique de " l’anti-jeu ", prise à part, leçon de morale " nous ne jouons pas à Toon " et d’esprit d’équipe, etc.

C’est au joueur " original " de jouer avec responsabilité, en ne faisant pas trop " s’écarter " son personnage ni des autres, ni de la trame du scénario, ni du contexte. Le rendre tolérable, aussi : la brute épaisse a un cœur d’or, le pervers est un salaud, mais il lutte contre ses mauvais penchants, etc.

Les autres personnages du groupe laissent de côté l’interprétation stricte pour la tolérance. De toute façon, quand on y pense, la dream team guerrier-mage-clerc-voleur n’est pas très vraisemblable. Chaque joueur est différent, chacun a sa vision du roleplaying. De plus, chacun a un personnage qui est sa propriété exclusive. Il n’y a pas de raison de s’entretuer.

Pour finir, un exemple personnel: à Gurps Swashbucklers (Trois Mousquetaires), mon personnage est un jésuite inquisiteur. Ses compagnons sont : un tueur à gages recherché, un empoisonneur démoniste, un sorcier juif et un marin anglais protestant. Eh bien mon personnage, par cynisme ou par naïveté, fait celui qui ne se doute de rien !

Et l’assassin le protège car il respecte son intégrité et tient à se confesser avant sa mort…. Bel exemple de joueurs ayant cherché des raisons de tolérer leurs personnages respectifs.

Si la question de l’insertion d’un caractère " mauvais ".vous intéresse, reportez –vous à l’excellent article paru dans Casus Belli n°102, " profession : personnages en clair-obscur " avec un indispensable tableau d’évolution du caractère entre la rédemption et la damnation.

Je préserve les souvenirs des anciens numéros et aides de jeu de Casus Belli avec le guide des scénarios Casus Belli

L’honneur du Samouraï  est une heureuse bande dessinée de Jean Graton, dans laquelle un pilote japonais dépité défie la multinationale automobile Vaillante et Michel Vaillant.

(c) Rappar

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