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Réflexions et débats

La Jungle d'Evil

Et si on jouait des méchants ? Les personnages qui ne pensent qu'à eux semblent déplacés dans un groupe de personnages... et de joueurs.  Ce débat issu du forum fr.rec.jeux.jdr partit d'une discussion technique sur la formalisation de l'alignement Evil à AD&D et aboutit à un débat moral plus profond sur la rolétiquette.

Le Fan Salut la foule,
J'aimerais connaître votre opinion sur un paradoxe dans la manière de jouer son personnage au sein d'un groupe d'evils. Voici le tableau...

Les personnages sont neutrals evils et jouent ensemble pour la première fois : une méfiance toute naturelle s'impose. :) Les personnages souhaitent en dire le moins possible sur leurs compétences car "savoir, c'est pouvoir". Oui mais voilà, jusqu'où cette méfiance peut-elle aller dès lors que nous sommes embarqués "sur la même galère", sans créer un blocage du jeu ?

L'un d'entre nous possède le moyen d'obtenir des informations hors de portée pour les autres. Des informations précieuses pour le groupe mais qu'il ne donne pas pour ne pas avoir à donner d'indices sur la façon dont il se les procure(*). Il analyse donc SEUL les informations et "propose" une stratégie d'action que le reste du groupe est, d'une certaine manière, contraint d'accepter en faisant confiance au personnage bien informé...

Le problème est le suivant : comment se fier à la stratégie que ce joueur nous propose, lui un evil ?

Ne peut-on craindre qu'à un certain moment, il nous amène à faire une action pour son seul profit ?


Plus généralement maintenant, comment concilier dans ce genre de groupe la nécessité de préserver le secret des compétences de chacun et la volonté de jouer "en groupe" ? Comment accepter qu'un personnage evil - même si nous le sommes tous :) - décide pour les autres ? Je suis dans une impasse et, à moins de trouver une solution acceptable, je serais obligé de laisser de côté prudence et amour-propre pour suivre "aveuglément" les conseils de ce Pj. Glurps...



L'option qui consiste à quitter le groupe ne convient pas : je ne le veux pas ! :-)

Par le passé avec d'autres joueurs, j'ai été confronté au cas du groupe d'evils : avec eux, la notion de groupe demeurait prioritaire et même la méfiance commandait qu'on montre le plus possible "patte blanche" aux autres membres du groupe. Ce dont je suis certain en tout cas, c'est qu'ils nous auraient été difficile de suivre l'un de nous s'il avait été seul à détenir des infos stratégiques...

Mais alors ? Alors..? Comment vivre son "evil-eté" dans ces conditions ?

Je crois que cela s'exprime par le choix de l'objectif à atteindre, par la méthode et les moyens utilisés... vraiment Evils ! :-))

Exemple :
Le but ? Exterminer un monastère,
La méthode ? Par le feu. Faire cramer ces ignobles prêtres Good et pousser les survivants à courir hors les murs du monastère.
Les moyens ? De l'huile inflammable, des flèches enflammées et des Pj's postés aux endroits stratégiques pour occire les rescapés lorsqu'ils sortiront affolés du monastère...

Rhâââ Lovely ! ;-))

(*) "Si tu meurs, me dit-il à raison, un nécromancien pourra te faire parler et révéler tous mes secrets."

 

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Florent EDOUARD

...pas de problème je suis un spécialiste des persos pourris, les gentils m'ennuient à mourir...

Donc tu parles de ADD. Définition du neutral Evil :

Les personnages NE sont intéressés avant tout part eux même et leur progression Ils n'ont pas de problème pour travailler avec d'autres, leur seul intérêt est d'avancer. S'il existe un moyen quelconque de faire un profit, ils l’utilisent. Ils n'ont pas de scrupules a trahir leurs compagnons. Ils se soumettent a l'argent et a la puissance, ce qui les rend corruptibles.

D'après le définition du NE, la notion de "même galère" est un non sens : le NE se fout que la galère coule du moment que lui s'en sort. Par contre, il est de son intérêt de la conserver à flot tant qu'il ne risque rien pour profiter des autres galériens.

>Il analyse donc SEUL les informations...

Mouaip. Typique d'un perso paranoïaque - au sens commun du terme, je suis pas un spé en psy - et mégalomane. Je suppose aussi qu'il ne prend aucun risque, qu'il vous laisse passer devant en combat, etc...me goures je ?

Tu ne peux pas te fier à lui, sauf si tu sais que ta survie est plus intéressante pour lui que ta mort. Ce qui ne veut pas dire qu'elle soit importante, je m'explique. S'il n'a aucun intérêt dans ta disparition, il n'a aucune raison de te faire disparaître. Il n'a donc aucune raison de te filer des analyses erronées. par contre, ca t'oblige a faire confiance dans ses capacités de jugement.

Mais tu es toi même NE. Donc tu es potentiellement également mégalomane et paranoïaque, donc c'est difficile a vivre pour toi. Il te reste à lui montrer que tu peux faire comme lui, soit dans la même situation - tu arrives a la même conclusion que lui en prenant l'air mystérieux de celui qui sait mais qui veut pas donner ses sources- , soit dans une autre situation ou lui ne peut rien. Dans ce cas, tu lui dis gentiment qu'à ton avis c'est ça qu'il faut faire, et quand il te demande pourquoi, tu lui réponds parce que c'est comme ca, moi je te suis , alors à ton tour de me suivre dans mon analyse.. tu le places en face de ses propres contradictions, en quelque sorte.

> Par le passé avec d'autres joueurs, j'ai été confronté au cas du groupe d'evils : avec eux, la notion de groupe demeurait prioritaire

Ca devait pas être des neutral evil : par définition la notion de groupe est secondaire et n'est la que pour aider chaque membre du groupe dans la réalisation de ses objectifs individuels...

> Mais alors ? Alors..? Comment vivre son "evil-eté" dans ces conditions ?
Je pense qu'il faut que tout le monde soit conscient de ces règles, et que tout le monde les accepte..

> Le but ? Exterminer un monastère,…
Nope. Les moyens choisis par un NE sont pas forcement violents, sadiques ou pervers...ils sont efficaces, et sans analyse morale, c'est tout. S'il faut sauver la veuve et l'orphelin pour atteindre son objectif, pour moi un NE le fera....quitte a trucider l'orphelin en déflorant la veuve si quelqu'un d'autre a mis un contrat sur leur tète. Il ira juste chercher les deux récompenses dans le bon ordre.. ;-)

 

renan injey wrote: > Je plaint le pov' MD

Le Fan Il ne faut pas. C'est lui que ça amuse le plus. Certainement parce qu'il est le plus evil d'entre nous ! ;-)

> En tout cas jouer en groupe, c'est de la pure utopie ça

Ah. Je me doutais qu'il y en aurait un(e) pour vouloir débattre de la réalité du jeu en groupe... Ok ! My point of vue...

Il faut d'abord savoir que je suis un fervent admirateur de la théorie "individualiste" dans le jeu de rôle. J’exècre les parties où tout se fait "ensemble". Du moins au-delà d'une certaine période de temps.

Ce qu'on peut, ce qu'on devrait décider ensemble, c'est tout ce qui a trait à l'objectif de l'aventure, un peu aussi à la méthode et aux moyens mais pour le reste... C'est au joueur de se créer son espace. Parce qu'un personnage pour exister a besoin d'un espace individuel. C'est-à-dire des prises de position, des actions, des relations sociales, des objectifs même, personnels. Quel que soit l'alignement de ce personnage, malgré les contraintes qu'il peut avoir, il a toujours la possibilité de se donner de la substance en agissant en marge du scénar.

Reste que le MJ doit permettre ces moments de liberté, les autres joueurs doivent accepter que des moments soient plus particulièrement consacrés à l'un d'eux et que les parties s'allongent un peu, du coup.

 

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Philippe Krait

Loïc Joly a écrit : 
> Ca me rappelle le dilemme du prisonnier ton truc : 
> Si deux prisonniers coopèrent pour s'évader, le gain est grand
> Si l'un coopère et l'autre le dénonce, l'un y perd et l'autre y trouve un petit gain
> Si les deux trahissent, les deux y perdent
>> Y a plein de simulations basée sur ce principe, ou le but c'est : Ne sachant pas si l'autre coopère, quelle est la stratégie à adopter.
> C'est AMHA la question que doivent se poser tout les mauvais à ADD avant de bosser en groupe.

Bon, je met mon grain de sel. Personnellement, j'ai joué des persos vraiment Evil il y a pas mal de temps, mais je considère que, dans la plupart des cas, c'est tomber dans la facilité et dans le défoulement, c'est la possibilité de sortir des tas de craignosités rentrées et de se libérer des inhibitions en groupe.

Et je trouve ça des plus malsain. A quoi bon trucider le moindre enfant qui passe, violenter la moindre fille et torturer le moindre prêtre, etc... ?

Or la plupart des gens que j'ai vu jouer Evil en le déclarant tombaient dans ces travers idiots, puérils, et malsains.

Et puis le jeu de Rôle est à la base le jeu de société le plus social qui soit, et je trouve en général dommage d'entamer ce côté social et coopératif (et qui est si dur à trouver dans la vie de tous les jours, quand vous êtes vous vraiment réuni pour la dernière fois avec des gens pour vraiment entreprendre et construire quelque chose, hmm ?) en créant des personnages qui ne cherchent qu'à se trahir les uns les autres ?

Sans compter que la trahison, c'est vraiment le truc le plus couillon à faire et que, dans la plupart des cas, il suffit d'être le premier à le faire, pas besoin d'être spécialement bon joueur ou intelligent.

Ceci dit, il y a à mon avis deux cas et deux seulement où c'est intéressant, et amusant, et ce sont :

- Le scénario one-shot, parce que là tout le monde connaît la couleur et que c'est annoncé d'avance.

- En campagne, si tout l'équilibre est soigneusement managé par le DM de manière à ce que la pression d'une menace extérieure force les PJs à coopérer. C'est à dire que, à tout instant, le raisonnement du prisonnier ci-dessus (bien vu comme rappel, soit dit en passant) s'appliquent à tous les persos.

Le problème, c'est que ça demande un vrai bon DM qui sache juger de ça et qui ne passe pas son temps à corriger la barre à grands coups de Deus Ex Machina. Et puis c'est aussi lassant à la longue, d'être en permanence forcé et même un Neutral Evil doit normalement craquer à la longue.

N'oublions pas en passant que le Neutral Evil va vouloir faire des actions parce qu'elles sont mauvaises, il ne va pas se contenter d'être seulement opportuniste (ce dernier est neutre absolu, je le rappelle). C'est à dire que le neutral evil est spécialement difficile à manipuler (mais moins que le Chaotique Evil) parce que, toutes choses étant égales par ailleurs, il va quand même choisir la plus craignos (et y compris pour ses "camarades" d'aventure) justement parce qu'il est Evil...

De plus, très honnêtement, je n'aime pas les gens qui disent : "Je VEUX jouer un Evil." Ce sont généralement des gens attirés par les côtés puérils de la chose. Un personnage ayant plus de profondeur sera "juste" cruel, amoral et sans pitié. Ca peut être Evil, ça peut aussi être simplement Neutre, dépendant des autres tendances du perso. Et ça fait des persos un tantinet plus intéressants avec un chouia de profondeur en plus...

 

Bref, après toutes ces années, et après avoir vu bien des joueurs jouer des méchants de manière convaincante, je n'ai toujours pas vu un groupe de ces méchants rester en campagne pendant longtemps et s'amuser autant que des groupes plus neutres voire good...

J'enfile maintenant ma combinaison ignifugée pour recevoir le torrent de flammes de la part de tous les Evil refoulés qui vont tenter de me convaincre que EUX ils sont capables de jouer bien des Evil et que c'est très amusant de trahir tous leurs petits copains à tout bout de champ...

 

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Bruno Chevalier

Hop là, j'arrive dans la discussion. Voilà ma petite expérience de jouer un evil à ADD:
on faisait le temple du mal élémentaire, et je voulais jouer un sorcier, parce que la magie de ce personnage me semblait fun. Bon donc je suis obligatoirement evil.

Dans le groupe, non avions deux "factions": des goods (un paladin, un nain), des neutres (un voleur, un élémentaliste) et des evils (un sorcier et un guerrier).
Au fur et à mesure, le voleur a virer au good et l'élémentaliste au evil.

Le groupe a coopéré presque tout le temps, pour pouvoir survivre, jusqu'à la bataille finale, ou tout le monde s'est joyeusement foutu sur la gueule.

Mon personnage en a tué deux autres en cours d'aventure (le nain: sa mission et l'élémentaliste: un concurrent trop sérieux). Tout les deux ont été réssuscités, mon personnage a officiellement changé (réellement il pouvait changer d'apparence).

Et là et arrivé un problème: l'un des joueurs a trouvé ça normal, par contre l'autre joueur m'en a voulu à moi, en tant que personne, d'avoir agi ainsi, et on en rigole toujours: la scène était drôle et épique. C'est mon seul regret dans cette partie.

Par contre, dans une partie récente (un jeu maison), des joueurs ont passé leur temps à se faire des crasses, et très gores. Ce qui m'a mis mal à l'aise, ainsi qu'un certain nombre d'autres personnes. Mais là encore, l'une des personnes cherchait à se venger d'une humiliation de son personnage.

Donc en conclusion: jouer des evils c'est faisable, mais si le groupe a une forte motivation pour rester soudé. Et surtout si les joueurs sont assez mûrs pour se distancer de leur personnage.

...
Jouer un evil, moi j'ai trouvé ça marrant. Parce que je passais mon temps à faire l'hypocrite, et à passer pour un bon. Mais trahir à tout bout de champ... a mon avis, si tu le fais, les persos des autres en veulent rapidement au tien, et si tu le fais avec tous tes persos les autres joueurs vont trouver ça vite lourd.

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Philippe Krait

Si tu veux mon avis (et je pense que après avoir lu ce qui va suivre, tu ne le voudras plus... :-), tu as vraiment joué la facilité au dépends des autres joueurs. C'est tellement FACILE de trahir quelqu'un qui pense qu'il peut t'accorder sa confiance (au fait, le paladin, il n'avait pas la détection du mal , hmmm ?), tellement à la portée du dernier venu que c'en est pitoyable.

C'est vraiment le genre de choses que je déteste, dans la mesure où les gens avec qui tu joues étaient venus s'amuser à jouer en groupe et en équipe, et que quelqu'un, avec la complicité plus ou moins tacite du maître est venu leur planter un couteau dans le dos.

Désole, mais je comprends très bien la réaction du joueur. Tu n'as pas joué l'hypocrite, tu l'as réellement été.

Je sais, je sais, j'ai fait ça plein de fois dans ma "jeunesse", mais avec le recul, je n'en suis pas vraiment fier.

Il faut que tu te rendes compte que, dans un jeu manichéen comme AD&D (voir les autres posts à ce sujet), toutes choses étant égales par ailleurs, les evil sont infiniment plus faciles à jouer que les goods, ils n'ont pas de restrictions, pas de faiblesses. Et c'est le propre des aventures épiques de voir les goods triompher parce qu'ils se sont tenus les coudes, alors que les evils étaient divisés. Si maintenant tu cherches quelque chose de réaliste, change de jeu, de principe. Parce que, dans la vie courante, des vraiment goods, il n'y en a pas beaucoup et ils se font presque toujours avoir par des gens sans scrupules. Mais est-ce que ça fait de bonnes histoires dont on peut s'émerveiller ? Pas vraiment, hein ?

Bref, il y a peu de choses qui m'énervent plus quand je parle JdR que quelqu'un qui vient se vanter d'avoir été l'evil au milieu d'un groupe de goods, d'avoir trahi les autres et, en plus, de venir se plaindre des réactions des autres joueurs;

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Bruno Chevalier

> ... planter un couteau dans le dos.

Et? Le nain est ressuscité. Il peut encore jouer. Tu en voudrais à ton MJ si tu mourrais dans un combat? Ou dans une embuscade? Si tu ne sais pas te détacher de ton personnage, tu as à mon avis un gros problème.

> Tu n'as pas joué l'hypocrite, tu l'as réellement été.

Quoi? Je crois que tu confonds vraiment ce que fait ton personnage et ce que tu fais. On est là pour incarner des personnages. J'aurais été hypocrite si je lui avais dit: mon personnage ne fera jamais rien au tien, ou un truc du genre.

... Et pour faire une bonne histoire, je préfère largement des héros avec des problèmes moraux qui ont un peu plus de profondeur.

...Je ne me vante pas d'avoir été l'evil du groupe. D'ailleurs nous étions plusieurs.
Mais ce que je déteste c'est les personnes qui considèrent que les attaques faites à leur personnage sont des attaques qui leur sont destinées. C'est pour moi une marque de manque de maturité.

Philippe Krait : Une fois de plus, lorsque tu fais ça, tu joues sur deux niveaux, ce qui est particulièrement haïssable. L'autre joueur peut très bien faire en sorte de ne pas massacrer immédiatement ton personnage uniquement parce qu'il sait que ce serait dommageable pour le reste de la partie. Et donc il doit te faire confiance pour permettre à tout le monde de continuer à jouer.

C'est pour ça que je trouve ça particulièrement détestable, parce que, dans la plupart des cas, consciemment ou inconsciemment, tu t'appuies sur ce genre de mécanismes.

> nain ressuscité...

Ha, je l'attendais celle là ! Il ne s'agit pas de se détacher du personnage. Il s'agit du fait que les autres JOUEURS t'ont fait confiance pour s'amuser ENSEMBLE, et que toi tu as fait ton possible pour détruire ça. Heureusement qu'il a été ressuscité. Entre parenthèses, c'est parce que ton perso s'y est mal pris, vu qu'il y a 36 moyens d'empêcher que ça arrive, moyens que tu aurais dû employer si tu avais été au bout de tes actions. Mais tu ne l'as pas fait non plus, parce que ça aurait stoppé la partie pour le joueur du nain. Résultat des courses, tout le monde joue plus ou moins sur les facteurs humains des joueurs et non ceux des persos.

> Mais ce que je déteste c'est les personnes qui considèrent que les attaques faites à leur personnage sont des attaques qui leur sont destinées. C'est pour moi une marque de manque de maturité.

Et c'en est une autre que de prétendre que si tu zappes le personnage d'un joueur il continuera à s'amuser autant qu'avant, doublée d'une bonne dose d'égoïsme...
...
Et c'est particulièrement vrai en campagne. heureusement, tu semblais avoir un MJ capable d'arranger ça à coup de résurrection, alors...

Voir aussi le débat sur l'alignement 

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