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Synopsis : L'invasion des rôlistes 
 

profanateurs de sépultures

Projet de téléfilm

Notre camarade N… dispose d'informations confidentielles dont il nous a fait part sur le forum, selon lesquelles il y aurait un film en préparation dont le sujet est un groupe de rôlistes qui s'entre-tuent *pour de vrai*.

Alors je décide, devant le succès populaire de mon premier script, de revenir avec un autre synopsis de scénario, pour téléfilm cette fois, qu'il ne reste plus à N… qu'à présenter au producteur qu'il va rencontrer. Vas-y N…, tout nos espoirs sont placés en toi, tu es notre seule chance de repousser les Ténèbres. "Jamais autant d'hommes n'auront autant compté sur si peu" (W. Churchill), and may the Force be with you.

message sur écran noir: "cette histoire est inspirée de faits réels. Les noms ont étés changés afin de protéger les innocents et aussi les irresponsables."

L'action se passe dans une petite ville du Sud de la France, nommée Vatependrelas, au début des années 90.

Pré-générique: En entrant dans le cimetière juif fleurir la tombe de son mari, une brave veuve s'évanouit devant un spectacle où le dégoût le dispute à l'horreur (musique stressante avec des violons: "Hiiiiiiiiii").

Les tombes ont été profanées; des pierres tombales brisées gisent un peu partout, un peu comme dans le clip de Thriller. Il y a même un corps exhumé planté sur un pieu, mais il ne bouge plus, pour vous le représenter c'est comme quand un PNJ chaotic evil rate son sort de "lever les morts vivants".

Ah oui, il y a des inscriptions nazies et antisémites partout.

(générique : musique grave et stressante; images de cultistes du Ku Klux Klan agitant les bras)

L'affaire crée un grand émoi dans la petite ville. tout le monde se demande qui a fait ça. La police tourne en rond. Vampiloup a été mis hors de cause, il a un alibi ;-) <rien de personnel Vampiloup, c'est une attaque gratuite, d'ailleurs j'ai mis un smiley, donc personne ne peut se méprendre et je peux dire plein de mal de plein de monde>.

Les Vatependrelassiens discutent et supputent à plus soif autour du pastis et des boules.

Et alors là, l'Histoire retient que la piste se dirige vers le JEU DE ROLES. Pourquoi, comment, quel rapport avec l'acte raciste on ne le saura jamais. Mais en bon scénariste de télé, j'applique la règle numéro 1: "quand il faut rendre un scénar, et que tu es charrette, surtout ne t'informe pas, invente n'importe quoi, de toutes façons si les gens le voient à la télé, ils croient que c'est vrai".

Alors, la véritable vérité telle que je l'ai véritablement inventée, la voilà: c'est un journaliste de Nice-Matin prénommé Marius qui découvre le pot-au-roses (voir dans l'annexe pourquoi je n'aime pas Nice-Matin). Il s'est fait engueuler à midi par sa femme qui lui a dit la vérité, à savoir qu'il était un fouille-merde, et le soir par son rédac-chef, qui lui a dit qu'il était une merde tout court, et le rédac-chef veut être le premier à sortir un "papier" sur la profanation, peu importe si l'article est vrai ou faux, il lui faut des gros titres.

Donc, Marius le journaliste, en traînant les pieds et des pensées moroses, commence par enquêter auprès des voisins du cimetière. Et là il apprend que ce cimetière est apparemment la partie la plus animée de la ville de Vatependrelas après 19 heures, lorsque ferme le disquaire de la Rue de l'Observance. Que les jeunes, qui font du bruit avec leur mobilettes pratiquent des orgies sur les tombes, qu'on y ramasse des préservatifs et des bouteilles, vides (les bouteilles, pas les préservatifs).

Il faut dire qu'à Vatependrelas la première cause de mortalité est l'ennui, et la première occupation des gens, avant "s'épier les uns les autres", c'est "chercher des poux chez son voisin".

Un an avant ces événements, une jeune fille mourut à Vatependrelas dans "des circonstances non élucidées". Trois troublantes coïncidences permettent à des fins limiers de relier ces deux affaires :

  1. elles se passent toutes deux à Vatependrelas

  2. elles ne sont séparées "que" par une année

  3. dans l'une d'elles, il y a un jeune. 

Donc Marius le journaliste se met à la recherche de jeunes louches. Et comme c'est une des compétences requise pour interpréter les personnages jeunes (être louche: minimum 90%; faire des conneries: minimum 95%), il en trouve un dans une cave au milieu des mégots et des bouteilles de coca vides, et malheureusement pour notre hobby, il s'agit de Jean-Philippe, Howard Philip pour les intimes.

Jean-Philippe est un dissident. A la base, ce Maître de Jeu était membre de la secte des adorateurs de Tolkien le Prophète; tous les matins il récitait ses prières en sindarin dans le texte, à vêpres il psalmodiait la généalogie des rois de Rohan, et entre-temps il lançait l'anathème sur ICE ces impies promis à l'autodafé* qui ont "trahi l'esprit de l'Oeuvre du Maître", 
* (je suis sympa: autodafé = bûcher de livres).

Mais voilà Jean-Philippe s'est re-converti, il est devenu fanatique de l'Eglise Schismatique du Bienheureux Lovecraft, et il a pondu une campagne personnelle modestement intitulée "les Masques des Sombres Rejetons de Celui qui Hurle dans les Ténèbres, Pas Content du Tout, Car Il a Faim", que ses joueurs ont abandonné après la mort de leur 7ème perso, en disant "à Paranoïa, nos persos vivent plus longtemps".

A force d'écrire des scénarios "à la manière de", Jean-Philippe connaît l'Oeuvre mieux que le Maître lui-même qui, s'il était vivant, ferait bien de venir à Vatependrelas écouter les leçons d'écriture de Jean-Philippe - et au moins il ne serait pas mort dans la misère.

Et le drââme se produit (musique : tindin !!!) lorsque Marius rencontre Jean-Philippe. Jean-Philippe, accablé par la défection de ses joueurs et rêvant la nuit de colonnes cyclopéennes dans des profondeurs sous-marines, prend Marius pour un amateur de fantastique désirant écrire un article culturel (ça se voit que Jean-Philippe ne lit jamais Nice-Matin).

Donc s'établit le dialogue suivant, générateur du tragique malentendu:

Marius : - "c'est terrible hein, dans le cimetière, quelle horreur !"
Jean-Philippe (mal réveillé): - "Hein? Ah oui ! L'horreur dans le cimetière, l'oeuvre de Howard Philip Lovecraft!"
Marius (qui croit enfin tenir son scoop) : - "comment vous savez qui c'est qui l'a fait ?"
Jean Philippe: - "Ben oui ! Howard Philip ! Bon y'en a d'autres qui disent que c'est August Derleth qui l'a fait, mais faut dire ils collaboraient tous les deux..."
Marius : - "Des collabos! Je suis sur la piste de l'acte raciste !"

Et le dialogue de sourds se poursuit. Jean-Philippe, à force de jouer toujours avec les mêmes joueurs, ne sait plus expliquer ce qu'est le jeu de rôles. A la fin, Marius dispose des informations suivantes: c'est un groupe de rôlistes (Howard, Philippe, Mourcoque, Auguste, Arlette, Sandy, Petersen et les autres) qui a fait le coup, à l'appel de leur gourou, Ch'toulou, ou Toulou, ou Loulou.

Muni de ces maigres indices, Marius revient voir son rédac-chef. Marius n'est pas assez intelligent pour monter en épingle des détails; c'est le rédac - chef qui a l'illumination avec un grand i. Lui sait que la base du journalisme, c'est le recoupement d'informations.
Il essaye donc de chercher un scandale qui ferait des gros titres.  Le rédac-chef fait un rapprochement audacieux, qu'il a été le seul à voir: Loulou est le diminutif de Louis, le prénom du fils du 2ème adjoint du conseiller général ! Mais c'est bien sûr !
La piste d'une Affaire politique se profile ! Il va l'avoir le prix Poulitzer !

Comme tous les jeunes de Vatependrelas, Loulou a boosté ses compétences "faire le con" et "se faire remarquer", mais son père, quelle surprise, le protège; quand on a un pouvoir local on s'en sert. Le rédac-chef en fait ne s'est pas foulé, parce que des notables il n'y en a pas beaucoup dans cette ville, et le rédac-chef a aussi un grave conflit de voisinage avec le deuxième adjoint: le chien du deuxième a mordu le pommier du premier.

Revenons à la presse qui, suivant l'exemple de Gérard de Villiers qui lança la rumeur que Sheila se transformait en homme (authentique), répand l'information que la jeunesse dorée de la ville est rôliste et que la profanation est le résultat d'un GN qui a mal tourné. Et encore, "GN foiré" c'est un pléonasme car la première victime d'un GN c'est le scénario des organisateurs, et qu'est-ce que ce serait si le nécromancien avait réussi son sort "lever mort-vivant"...

Tout le monde est content: la police a des suspects, et une bonne excuse pour ne pas les avoir arrêtés ("ils sont protégés"); les vieux ont une raison supplémentaire de craindre les jeunes ; les journalistes vendent leurs journaux et ont des rumeurs pour les remplir; les publicitaires placent leurs pubs dans ces journaux; l'extrême-droite est blanchie, ce qui lui fait évidemment très plaisir. Les hommes politiques sont accusés d'entraver l'enquête, et comme "ils sont tous pourris" (c'est ce que tout le monde pense, donc c'est vrai), personne ne s'étonne.

 

<coupure PUB>

pourquoi tant de malheurs s'acharnent sur notre hobby ?

Mais oui c'est la loi de Murphy !
Pour tout savoir sur la loi de Murphy appliquée aux JdR: http://bastion.free.fr/murphy.htm

<fin de la coupure>

La rumeur s'amplifie. L'affaire est amplifiée par la télé, dans une émission d'information présentée, figurez-vous, par un animateur télé. Faire du divertissement sous le prétexte de faire de l'information permet aux téléspectateurs avachis de croire qu'ils s'instruisent, alors qu'ils deviennent encore plus bêtes qu'avant (si c'est possible). L'appellation savante est infotainment, contraction de information et entertainment.

Un "journaliste"-animateur n'a pas pour but d'établir la vérité, mais de foutre le bordel, un peu comme certains intervenants des newsgroups.

A cette émission donc, un célèbre personnage avocat (compétences: passer à la télé 100%, aller au tribunal 10%, bluffer 100%), brandit une enveloppe, tonitruant* :

Avocat: -"j'ai ici, dans cette envelôppe, les noms des coupables que la pôlice et les nôtables prôtègent !!"

* tiens, Tony Truand c'est un surnom qui lui va bien à cet avocat

Et alors là, succès critique au jet de bluff, personne ne lui demande d'ouvrir cet accessoire, et de révéler ces noms !
La Vérité a perdu une occasion : il y a, dans cette envelôppe, une énigme du type qu'affectionnent les MJ en panne d'inspiration : "si vous voulez savoir qui sont les responsables, demandez au juge d'instruction qui protège les notables" (authentique).

Pour cet avocat, un mensonge d'Etat a paralysé l'ensemble de la machine judiciaire. En voilà un qui a manqué sa vocation, il aurait été un excellent joueur à Conspirations X!                                                                                       Dessin de Broc

Le procureur de la République, essaye à son tour d'être célèbre; il déclare  : "Si j'étais juge d'instruction, j'aurais procédé à des mises en examen... Ma patience a des limites." Il explique ainsi, sans s'en apercevoir, pourquoi il n'est que procureur, et pas juge, et pourquoi il l'est à Vatependrelas,  et pas à Valence. Car en effet, des preuves contre les rôlistes, il n'y en a pas.

Du coup les rôlistes, les vrais, prennent le maquis; ils se déguisent en joueurs de jeux de simulations et se mettent à jouer à Magic,
...et pourtant à Magic il y a un cimetière.

Seuls survivent ceux qui jouent toujours à leurs propres jeux et scénars, avec les mêmes joueurs sans faire découvrir le hobby à personne, qui sont trop intelligents, et qui n'achètent ni revues ni suppléments du commerce, d'où aussi, par effet boule-de-neige, mort de Casus Belli. Une revue qui de toutes façon ne leur plaisait plus, car ils ont tout vu, tout entendu.

Là normalement, la ménagère de moins de 50 ans, que je cherche désespérément à distraire comme jamais je n'ai essayé d'intéresser mes joueurs - et pourtant je me dépense en tant que MJ - doit commencer à prendre en pitié ces pauvres rôlistes. Hourra, mission impossible presque réussie, bien joué Jim !! Mais un doute subsiste: mais alors qui l'a fait ?

(sous-titre: " cinq ans plus tard..." )

COUP DE THEATRE ! 

Pris de remords, un skinhead qui entre-temps a pris de l'âge et est devenu moins con (vous me direz, c'était pas difficile), se livre à la police et dénonce ses camarades ! La police a bien du mal à renoncer à la légende de la jeunesse dorée et rôliste, protégés par des notables qui eux-mêmes appartiennent à des sectes. Et encore, c'était avant de voir des pédophiles partout. Bon, revenons à la police; les pandores se félicitent de leur clairvoyance, et coffrent l'ex-skinhead et ses complices. Ils sont condamnés. ("condamnés : en un ou deux mots ?" C'était une private joke  de David Michel Jacques)

Ainsi la profanation c'était des nazis ! Les graffitis c'était pas des joueurs de Runequest qui essayaient de encore de dessiner les runes de ce jeu ! Révélation : les rôlistes ne vont pas dans des cimetières et préfèrent rester autour d'une table !
Là c'est sûr, j'ai la mention "ne ratez pas la fin, surprenante" dans Télé 7 jours.

The end, pas tout à fait happy. Les vrais coupables sont en prison, mais la fausse piste était trop belle pour ne pas servir pour des téléfilms à succès, car ils confortent la paranoïa du téléspectateur moyen. D'ailleurs tout le monde se souvient de l'accusation, mais jamais de l'acquittement.

Et comme le dit un journaliste à la fin du film L'homme qui tua Liberty Vallance: "quand j'ai le choix entre imprimer la légende ou la vérité, j'imprime la légende". Le bon peuple de France se dit qu'il n'y a pas de fumée sans feu, et une tache indélébile souille la renommée de notre loisir chéri.

Message de fin sur un écran noir: "chaque jour, des rôlistes continuent d'être persécutés pour leurs idées, au mépris du Premier Amendement; envoyez vos dons à Rôlistes sans Frontières, etc."  Il n'est pas sûr que les rôlistes aient des idées, mais enfin c'est le message type des téléfilms bien-pensants.


J'espère, mon cher N…, que muni de ce synopsis, de qualité assurément supérieure à "l'histoire du GN qui dégénère" (c'est tellement con comme histoire que les scénaristes doivent être américains), tu pourras faire évoluer le projet du téléfilm (on peut toujours rêver), d'un sujet populiste et paranoïaque vers un courageux brûlot dénonciateur des calomnies et des jugements hâtifs.

(c) Rappar

Annexe : pourquoi je n'aime pas Nice-Matin

La réalité: un jour j'ai pris une navette maritime St-Tropez - Hyères pour son premier voyage commercial. A l'aller comme au retour, j'étais l'UNIQUE passager de ce bateau ultramoderne de 100 places, à l'exception d'un journaliste de Nice-Matin qui m'a interviewé, et à qui j'ai dit que c'était sympa mais cher.

L'article de Nice-Matin: j'étais devenu le PREMIER passager (nulle part précisé qu'il n'y en avait aucun autre !), et la remarque sur la cherté avait apparemment sauté à la mise en page. 

Vu le soutien des édiles locaux à ce projet, et l'inauguration spectaculaire de la veille, les journalistes ne pouvaient se permettre de faire les journalistes.


Si le téléfilm donne lieu à une série, la suite est déjà prête :

Le retour des rôlistes profanateurs de sépultures.

L'action se déplace à Pesans, une petite bourgade des Pyrénées Orientales. Le cimetière est vandalisé. 

Le journaliste d'un quotidien régional se déplace, interroge les gendarmes et écrit  : "d'après les gendarmes, les vols de crucifix...  constituent l'élément permettent de retenir la thèse de 'jeux de rôle' "
On sait donc maintenant que les gendarmes ne jouent pas aux JdR avec des dés, mais avec des crucifix.
Qui ne sont pourtant au mieux que des D2 (pile ou face). 

Le journaliste questionne le secrétaire général de la mairie  : un brave homme qui doit donner des réponses à ses administrés, ne sait pas et répète ce que disent les gendarmes. "Il semble confirmé que des "jeux de rôle" aient eu pour cadre le cimetière l'autre nuit.

Problème : les personnes concernées nient avoir accusé les jeux de rôles. 
Mais qu'est-ce qui a pu donner cette idée au journaliste? Le dialoguiste a la réponse :

Gendarmes : - "cela me rappelle la profanation de Carpentras"
Secrétaire de Mairie : - "oui, les jeux de rôles avaient été accusés" 
Gendarmes : - "oui, c'est ça, les jeux de rôles avaient été accusés."
Journaliste (présent, qui note tout): - "hourra, j'ai recoupé l'information selon deux sources indépendantes, j'ai respecté la déontologie de la profession, c'est les jeux de rôles qui ont tout fait !"

Et voilà! Bouclé l'article ! Finalement le journaliste aura interrogé tout le monde, sauf les suspects. Et l'on s'aperçoit qu'il est extrêmement facile d'être journaliste : il suffit de faire du micro-trottoir!

La fin du deuxième épisode n'est pas encore écrite, mais à la fin, comme tout cela se passe à la campagne, où tout le monde connaît tout le monde, le groupe de vandales originaires du coin (à l'inverse des néo-nazis de Carpentras) finiront par se faire coincer.

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