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Mémoires de Strad

...avec moi en Strad.

Par Lee Pstick

Sur le forum, une question fut posée: 
- MJ, quel est votre meilleur souvenir de partie que vous ayez maîtrisée?

La réponse de Lee Pstick a sa place dans les parties inoubliables.

Nous partîmes quatre, mais par un prompt renfort,
Nous fûmes onze en arrivant au fort
Mais ce scénario était du gothic horror
Et de nous ne survécut que le plus fort

Sans aucun doute, les félicitations du jury pour une masterisation de Ravenloft. Mais il faut dire que ce scénario est réellement génial au niveau gothic horror: Des villageois pouilleux, un château glacial perché sur une colline, des gitans étranges, des forêts hantées…

Les incontournables du scénario ont été extrêmement appréciés par les joueurs, comme cette séance de tirage de tarot faite par une vieille gitane.

Nous étions, à ce moment du scénario, en vacances et l’ensemble de la scène à été jouée, dans le jeu comme dans la réalité, dans une tente. A chaque question posée par la vieille femme, les PJs devaient tirer une carte de Tarot et énoncer ce qu’elle leur évoquait. Puis, le résultat des cartes était commenté par la bohémienne d'une voix chevrotante.

Chaque carte donnait au MJ le but de Strad (le vampire-sire de Ravenloft), l’emplacement des objets clés du scénario, etc.; bref l’ensemble du scénario. Les PJs ne l’ont bien sûr jamais deviné puisqu’ils pensaient que chaque carte leur décrivait leur destinée et leur mort. Ils ne tarissaient pas d’interprétations vaseuses sous le regard sceptique du Paladin.

Bien sur j'avais fait le maximum dans l'ambiance pour créer un terreau fertile aux imaginations débridées des joueurs : musique gothique en permanence même si ça saoule le plus fanatique des Bat Caves au bout de quelques heures; aucune source de lumière électrique; des séquences préenregistrées sur un vieux magnéto avec des discours sur fond d'orgue d'église etc. Plus quelques astuces techniques que j'avais expérimentées dans un club quelques années auparavant : séparation physique et systématique des joueurs lorsque leurs persos changent de pièce sans avertir les autres, etc.

L'ensemble joué pour la plupart du temps à la chandelle, dans une cave humide. A noter également, quelques scènes jouées dans une tente, dans un bunker abandonné au bord d’une plage… Nous étions tellement acharnés que nous avons essayé de jouer la dernière partie dans une crypte.

Au départ: 4 joueurs. A l'arrivée: 11.

Dès le début du scénario, les 3 joueurs à tendance Bonne (un paladin, un ranger et un clerc) ont fait fuir le quatrième membre du groupe, un gnome guerrier-illusionniste à la moralité plutôt douteuse. Il a joué la campagne quasiment en solo.

Cette situation nous a donné de nombreux moments de role-play assez inoubliables. Le gnome fut dépouillé et chassé par le reste de la compagnie. Oui, c’est parfois amusant de voir à quel point les joueurs persuadés d’agir pour le Bien font des actes à la limite du totalitarisme tout en se couvrant de justifications peu crédibles :« Qu’il s’estime heureux ! On l’a laissé vivant ! ». Le proscrit, n’ayant plus sur lui qu’un pagne et sa hache (intelligente et très très mauvaise), a commencé à errer dans le village.

Évidemment, Strad, le seigneur des lieux l’a retrouvé pour le « convaincre » de changer de camp. Aucun jet de protection à faire pour le PJ plein de rancoeur, qui s’est immédiatement rallié à Strad Von Zarovich en se promettant la mort des autres persos. Strad lui fournit donc une carte du château, lui indiquant la position des pièges majeurs pour y entraîner les PJs.

Restait à lui trouver une nouvelle identité ce qui fut assez facile pour un illusionniste. A chaque arrivée de nouveaux joueurs et compte tenu de la spécificité de la campagne (un plan isolé des autres dimensions dont on ne peut sortir), je devais leur donner un PNJ du scénario. Le gnome s’introduisit dans la maison qui servait de refuge aux PJs, tua le frère d’un des persos (un PNJ) et prit son identité. Tout était plausible pour les joueurs: le personnage gnome grillé pour le scénario, le joueur était obligé de prendre un nouveau perso…hé, hé.

Voilà donc la compagnie qui part pour le château, décidée à fouiller le château en entier pour débusquer Strad et pouvoir enfin sortir de ce cauchemar, sans imaginer qu’elle abritait dans son sein un traître. Je passe sur les moments de terreur générés par les rencontres avec des fantômes d’un autre temps, des aventuriers morts-vivants et fous, des créatures envoûtantes,… Le château est réellement un dédale de pièces, de tours, de cryptes où un esprit alerte, à l’affût d’indices, peut reconstituer le puzzle de la vie du seigneur des lieux et l’histoire de son amour brisé.

Le gnome faisait tout pour entraîner les PJs dans les pièces les plus dangereuses, devant les monstres les plus destructeurs mais à chaque fois, au moment de prendre une décision, le paladin imposait son opinion sur celle du "jeune frère". De manière totalement irrationnelle, il faisait prendre au groupe une direction opposée à celle proposée par le gnome (qui pourtant jouait à la perfection son rôle et se faisait le plus discret possible). Le plus comique dans l’histoire est qu’en fait, en suivant son chemin au hasard le plus complet, le paladin récoltait tous les objets importants de la campagne (l’épée du soleil,  un artefact protecteur, les mémoires de Strad, etc.).


Hélas, tout a une fin et celle du gnome fut mémorable : Le gnome, qui bouillait de n’être jamais écouté alors que sa couverture était parfaite, réclame une partie du trésor (en vérité bien maigre) qu’ils accumulaient depuis le début. Il s’entiche d’un casque trouvé sur un mort-vivant, un vieux casque ébréché et rouillé mais qui selon ses dires pouvait au moins être une récompense symbolique. Le ranger lui oppose un non poli mais ferme en prétextant que l’ensemble du trésor sera distribué aux survivants s’ils arrivent à sortir de ce lieu maudit. Le ton monte entre les deux, le paladin s’interpose. Le ranger, dans un geste de dépit absolu, jette le casque sur le gnome (20 au jet…). Tout le monde sait ce qu’il advient d’une illusion lorsqu’elle est frappé violemment : elle se dissipe. Les traits du frère changent brutalement pour faire apparaître ceux du gnome hurlant de colère.

Je crois que les joueurs ont failli tomber de leur chaise. Cela faisait 5 ou 6 parties qu’ils n’avaient plus entendu parler du gnome !

Bon cela reste du Ravenloft, le scénar le plus killer d'ADD, à mon sens: un seul survivant à la fin du scénar. Devinez qui... Le paladin, bien sur !

Si les personnages ne se sont pas exterminés entre eux, ils ont subi les attaques de Strad et de ses nombreuses créatures. Ils ont, en fait, commis tout à la fin du scénario l’erreur à ne pas faire : se séparer.

Cela a donné une collection de famous last words assez fantastique : Arcas Batrius, ranger 7ème niveau seul face à Strad Von Zarovich, vampire 15ème : « Rends-toi Strad, tu es fini ! » (j’en rigole encore). 
Un elfe noir qui avait utilisé un souhait pour se transformer en fourmi et fuir mais qui s’est fait démasquer par Strad : « Laisse-moi partir et je te couvrirai de richesses » -> Il est mort noyé dans un verre de vin sous le regard de Strad (sans doute une des fins de persos les plus ridicules qu’il m’ait été donné de voir qui sanctionnait une suite d’actions totalement irréfléchies).
Le clerc isolé avec Strad qui avait pris l’apparence du paladin : « Attends. Est-ce que tu es vraiment le paladin que je connais ? »

Une campagne épique pour un MJ donc puisqu’elle permettait de jouer et de prendre plaisir à toutes les facettes de la masterisation :

        -          Le MJ complice : les embrouilles entre persos, la suspicion envers les PNJ

        -          Le MJ conteur : de long dialogues entre Strad et les joueurs au début du scénario, la séance de tarot, les rencontres avec les PNJs fous…-

        -          Le MJ surpris : la récolte des objets plus que parfaite, les role-play débridés des joueurs

        -          Le MJ qui-fait-peur : ahhh, les rencontres dans une crypte avec les fantômes…Voila. Comme quoi on a pas attendu White Wolf pour faire un petit WoD.

(c) Lee Pstick

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