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Les aventures de Mlle La Maupin

Vie d'une véritable aventurière

© Jim Burrows

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Roleplay
Il est difficile de faire partir à l'aventure un personnage féminin dans un contexte qui, historiquement, ne tolère pas les femmes aventureuses. Il semble qu'il faille sacrifier soit le réalisme historique, soit la jouabilité (perso opprimé). Grâce à cette traduction, vous allez pouvoir vous inspirer d'une histoire vraie pour insérer vos héroïnes dans l'Histoire.

Préface

La Maupin, escrimeuse française du XVIIème siècle, aventurière et célébrité de l'opéra, semble un personnage sorti d'un roman de Dumas ou de Sabatini, excepté sur deux points. D'abord, elle a vraiment existé, et ensuite, peu d'auteurs auraient attribué ses exploits à une femme. Théophile Gautier emprunta son nom et quelques-uns de ses traits pour l'héroïne de son roman Mademoiselle de Maupin mais, par bien des aspects, son personnage n'était seulement qu'une pâle imitation de l'original. La véritable Maupin était une créature complexe.

Bien née et privilégiée, elle sut comment utiliser ses contacts et ses amis influents pour obtenir ce qu'elle voulait, ou pour échapper aux dangers, mais elle était également fière et indépendante. Il semble qu'elle ait ardemment désiré le devant de la scène, savourant à la fois la gloire et l'infamie. Elle avait un tempérament de feu, et des passions tout aussi brûlantes, souvent les emballements de l'amour.

Mlle Maupin était, excepté le fait qu’elle était une femme, l'image même du cavalier romanesque de cape et d'épée: belle, grande et brune, une des plus fines lames de son époque. Elle avait une carrure athlétique, une peau très blanche et des cheveux bouclés châtains avec des reflets blonds, des yeux bleus, un nez aquilin, une bouche exquise, et dit-on, des seins parfaits.

Elle fut aussi une vedette de l'un des plus grands théâtres de son époque - l'Opéra de Paris. Elle avait une adorable voix de contralto et une mémoire phénoménale. Bien qu'elle fut très ignorante en musique et que certains dirent qu'elle était peu douée pour le chant, son charme, sa belle voix, son amour de la gloire, son excellente mémoire et son extravagance semblent l'avoir destinée à la célébrité sur la scène de l'Opéra de Paris.

On dit qu'elle serait "née avec des penchants masculins" en plus d'avoir été élevée comme un garçon. Il est certain qu'elle s'habillait souvent en homme, et qu'alors on pouvait la prendre pour tel. Il semble aussi qu'elle ait eu au moins autant d'intérêt pour la gent féminine que pour les hommes. Ses compétences à l'épée, que ce soit en spectacle ou en vrais duels, semblent avoir étés exceptionnelles.

Je n'ai trouvé à ce jour qu'une poignée de documents (Sources) sur sa vie et ses aventures; cette page est donc nécessairement courte. Ce qui suit est un récit reconstitué à partir de ce que j'ai trouvé. Je l'étofferai au fur et à mesure que j'arriverai à trouver plus de renseignements. Il n'y a pas ici de contenu sexuellement explicite, mais elle était bisexuelle et ses aventures amoureuses pourraient choquer certains.

Jim Burrows

La Maupin naquit Julie d'Aubigny(Julie) en 1670 et mourut en 1707. Son père était Gaston d'Aubigny(d'Aubigny), le secrétaire du comte d'Armagnac. Le comte, en tant que Grand Écuyer de France(GrandSquire) était responsable de l'éducation des pages du Roi Soleil et du dressage de ses chevaux. M. d'Aubigny avait la réputation d'être un grand buveur et un joueur impénitent, fréquentant les salles d'armes le jour, et la compagnie des femmes la nuit.

Si ses vices étaient communs pour l'époque, ses opinions sur l'éducation convenable des femmes ne l'étaient pas. Il éleva sa fille d'une manière très proche de celle dont les pages royaux l'étaient dans la maison du comte d'Armagnac. On lui apprit les lettres, la danse, la grammaire et le dessin, et d'Aubigny lui-même l'entraîna dans l'art de l'épée. Apparemment il pensait que l'entraînement à la rapière et au fleuret était le seul moyen pour que quelqu'un soit en sécurité dans les rues de Paris, et il était résolu à ce que son enfant soit sauf, quel que soit le sexe de celui-ci.

Entourée comme elle l'avait été toute sa vie par des hommes et des garçons, elle avait appris, semblerait-t-il, l'art de la séduction aussi bien que celui des armes. A l'âge de quatorze ou quinze ans, elle usa de ses artifices sur le seul homme que son père ne pouvait lui refuser - son employeur, le comte d'Armagnac. Comme il semble en être toujours le cas avec elle, elle triompha et conquit le cœur du comte, et à travers lui obtint son introduction à la Cour et à la ville.

Afin de masquer leur liaison, le comte s'arrangea pour la marier à un M. Maupin de Saint-Germain-en-Laye. Couverte par le mariage, leur liaison continua un temps, pas plus d'une autre année, avant que le comte ait trop de mal à contrôler la jeune et Julie. A la fin, le comte mit fin à leur liaison. Son mari se vit bientôt offrir un poste administratif de contrôle des impôts en Province. Quelques sources suggèrent que ce fut à l'instigation de Julie La Maupin, d'autres que ce fut à l'initiative du comte, peut-être dans l'espoir de se débarrasser d’elle, et d'autres encore que c'était grâce aux amis de M. Maupin. Le comte semble avoir cru que madame Maupin suivrait son mari à la campagne, mais elle lui fit savoir que le poste était insuffisant pour pourvoir à leurs besoins à tous deux, et resta à Paris.

Le mariage l'avait libéré des contraintes que les usages faisaient porter sur les jeunes filles à marier, et à présent l'absence de son mari et la perte d'intérêt du comte envers elle lui donnaient plus de liberté. Elle prouva qu'elle était la fille de son père en se dissipant. Il est avéré qu'elle frappa des commerçants et provoqua des bagarres avec des jeunes aristocrates.

En fréquentant les salles d'armes, elle rencontra et tomba amoureuse d'un homme du Midi nommé Sérannes. Bien qu'une source le présente comme un employé, toutes les autres affirment qu'il était professeur d'escrime, et quelques-unes qu'il lui apprit l'épée, mais qu'elle le surpassa bientôt. C'est possible, mais comme son père aurait dit-on engagé des professeurs d'escrime comme De Liancourt, un célèbre maître d'armes et auteur de "Le maistre d'armes ou l'exercice de l'espée seule" (1686), il semble peu probable que le rôle principal de Sérannes dans sa vie fut de lui donner des leçons d'escrime.

Le couple eu vite maille à partir avec un des hommes les plus puissants de Paris, le Lieutenant-Général de Police, Nicolas-Gabriel de La Reynie. La Reynie, l'homme derrière l'enquête sur "l'affaire des poisons"(LaReynie), est souvent considéré comme le premier policier moderne, mais en fait il était bien plus. La police de son époque s'occupait de toutes les facettes de la vie urbaine, depuis la régulation du prix des aliments sur les marchés, jusqu'à l'éclairage et la propreté des rues, tout autant que les enquêtes et la prévention de la criminalité. Il faisait strictement respecter les lois anti-duels et la réglementation sur les armes.

De son propre chef, ou peut-être sous la pression du comte d'Armagnac, La Reynie traquait Sérannes. Celui-ci était mis en cause dans un duel derrière l'église des Carmélites, qui avait conduit à la mort d'un homme. Il dut fuir la capitale. La Maupin s'enfuit avec lui à Marseille, où Sérannes affirmait avoir des perspectives aptes à assurer leur subsistance à tous deux.

Lorsque les perspectives de Sérannes se révélèrent bien plus minces que ce qu'il avait affirmé, le couple fut forcé de trouver un moyen de gagner leur vie. Ne voulant ou ne pouvant pas laisser Sérannes les entretenir tous deux, Julie trouva à Marseille deux occupations: l'épée et le chant. Ils donnèrent des spectacles de duels, chantèrent et contèrent des histoires dans la salle commune de l'auberge où ils résidaient. A ce moment-là, elle avait pris l'habitude de s'habiller en homme(CrossDress), ce qui était certainement plus adapté aux spectacles d'escrime que des vêtements féminins. Cependant, il semblerait qu'elle faisait publicité, plutôt qu'elle ne cachait sa féminité, s'en servant pour attirer l'attention sur elle, et attiser l'intérêt pour leurs spectacles.

Elle excellait tant à l'épée, si forte, gracieuse et compétente, que certains doutèrent qu'elle pût vraiment être une femme, et une nuit un chahuteur cria qu'elle était un garçon, quelque cavalier ou protégé d'un maître d'armes, et aucunement une femme. Furieuse, La Maupin posa son fleuret et déchira sa chemise, afin que le public puisse juger lui-même quelle affirmation était la plus fondée. On a dit que les recettes furent particulièrement bonnes ce soir là.

Peu après son arrivée à Marseille, elle passa une audition à l'académie de musique de Pierre Gaultier, un ami de Lully, et directeur de théâtre très influent lui-même. Sa belle voix de contralto, malgré son manque d'exercice musical ou de raffinement, fit une forte impression sur Gaultier, et elle fut admise à l'académie (ceci serait arrivé peu de temps après qu'il ait ouvert l'école, le 28 juin 1685). Elle fit ses début de chanteuse professionnelle à Marseille, sous le nom de Mlle(Mademoiselle) (ou peut-être Monsieur) d'Aubigny, et pendant quelques temps Sérannes et elle-même gagnèrent leur vie en chantant au théâtre.

Quelques temps après, elle se lassa de Sérannes, et déclara-t-elle, des hommes en général. Ayant éprouvé l'intérêt de jeunes femmes qui au premier abord l'avaient prise pour un homme, elle pensa que cela ferait un charmant contraste pour une femme virile comme elle, d'être vue en ville avec une jeune fille, et qu’une blonde mettrait en valeur son propre teint brun. Bientôt, une belle blonde, prenant peut-être La Maupin pour un homme, lui manifesta quelque engouement ; elle lui répondit avec passion. Les parents de la jeune fille, comme on peut s'y attendre, désapprouvèrent cette liaison, et l'envoyèrent au couvent des Visitandines en Avignon afin de maintenir les deux séparés. Notre héroïne la suivit, et entra elle-même au couvent comme novice. Peu après, une des nonnes mourut; la Maupin déterra son cadavre et, le plaçant dans le lit de sa bien-aimée, mit le feu à la celulle pour qu'elles puissent fuir dans la confusion qui suivit.

Elles disparurent pendant trois mois, avant que La Maupin abandonne la jeune novice qui retourna, honteuse, vers sa famille et au couvent. Un tribunal du Parlement d'Aix jugea la Maupin par contumace et la condamna à mourir sur le bûcher pour ses crimes ; crimes qui auraient inclus l'enlèvement de la novice, le vol de cadavre, l'incendie du couvent, et la non-comparution au tribunal. A noter que c'était le "sieur" d'Aubigny qui était condamné, peut-être pour dissimuler ce qui était peut-être vu comme un des aspects les plus délicats de toute l'affaire : la nature homosexuelle de ses relations avec la jeune femme (voir la note de bas de page sur le travestissement(CrossDress) pour une autre explication de ce point)

Après sa condamnation par le tribunal, la Maupin fuit Marseille pour Paris, un voyage qui allait lui prendre plusieurs mois. Nous la retrouvons à Orléans, avec la guigne. De retour à gagner péniblement sa vie en chantant dans les tavernes et les auberges, elle chemine le long de la vallée de la Loire. Elle semble s'être jetée à corps perdu dans cette profession avec le zèle qui semble être sa caractéristique qui la définit le mieux. Elle aurait dit à cette époque: " j'ai même essayé de composer les paroles et les mélodies de quelques chansonnettes, qui étaient très appréciées de mes frustes publics".

A la fin, elle fit route vers le sud jusqu’à Poitiers, où elle rencontra un ivrogne vieillissant nommé Maréchal. Maréchal, musicien de talent et acteur, reconnut en la Maupin quelqu'un dont la place était sur la scène à Paris, et non menant la vie d'un vagabond. "Si vous le vouliez, vous pourriez être la meilleure chanteuse de Paris en quatre ou cinq ans. Je vous apprendrai", lui proposa-t-il. Elle accepta.

Maréchal l'éduqua quelques temps, mais bientôt il paya le prix de son ivrognerie, et il commença à sombrer dans l'incohérence. Il la forma aussi longtemps tant qu'il en fut capable et, selon La Maupin, "ce qu'il m'enseigna fut une vraie révélation". A la fin, alors que la boisson l'emportait, il la congédia, lui conseillant d'aller à Paris et d'accepter tout travail qu'elle pourrait trouver dans le milieu du théâtre. Si elle continuait à s'appliquer, elle aurait la gloire et la fortune.

La Maupin suivit le conseil de Maréchal et fit route vers le nord, revenant sur ses pas vers Paris. A Villeperdue, juste au sud de Tours, elle fit une autre rencontre qui allait changer sa vie.

Elle chantait une fois de plus pour son souper dans les tavernes et les auberges sur son trajet vers Paris. A Villeperdue, elle se retrouva en compagnie d’un certain nombre de jeunes écuyers dans une auberge. Il y a deux versions très différentes de cette rencontre. Toutes deux concordent sur le fait qu'elle était, comme d'habitude, habillée en homme. Dans la première version, elle avait à peine fini de chanter lorsque l'un des jeunes hommes l'accosta. Il semblerait qu'il aie percé à jour son déguisement masculin. "Dis-moi, Ô joli oiseau, j'ai écouté ton ramage, mais à présent qu'en est-il de ton plumage?", lui lança-t-il.

Ceci mit la Maupin en colère. Elle le repoussa et mit la main sur son épée. Le jeune hardi répondit de même; bientôt le défi fut lancé et accepté, et la Maupin se retrouva à croiser le fer avec trois des écuyers. Ils se retirèrent dans la cour de la taverne où elle combattit les trois à la fois et gagna. La compétition s'acheva lorsqu'elle perfora proprement l'homme qui l'avait offensé à travers l'épaule. Cloué par sa lame, son ennemi se contorsionna jusqu'à ce qu'il puisse voir la pointe de l'épée, rouge de son sang, émergeant de son dos. Elle remit sa lame au fourreau, se détourna de l'homme à terre et se retira dans sa chambre.

Sa conscience la travailla cette nuit là et elle ne put dormir, ni reprendre sa route au matin. Au lieu de çà, elle alla voir le barbier du village qui faisait office de chirurgien local, et demanda des nouvelles de la santé de son adversaire. Le barbier l'assura qu'il s'en remettrait, et elle s'enquérra de son identité. Il était, apprit-elle, Louis-Joseph d'Albert de Luynes, fils du duc de Luynes et d'Anne de Rohan-Montbazon.

Ce soir-là, un des compagnons de Luynes passa voir La Maupin. Il lui transmit les excuses de Luynes pour les insultes qu'il lui avait proférées pendant qu'il était soul. Il la pria de pardonner à Luynes, et elle répondit qu'elle lui remettrait sa réponse en personne. La même nuit, habillée en femme, elle rendit visite à Luynes dans sa chambre. Ainsi commença une liaison passionnée. Elle aida à lui faire recouvrer la santé.

Dans la deuxième version de l'histoire, Luynes ne s'aperçut pas qu'elle était une femme. Quand la Maupin arriva à l'auberge, il y avait un certain nombre de laquais soignant les chevaux de leurs maîtres dans la cour. La Maupin entra à grandes enjambées et prit place à une des tables, où elle fut rejointe par le chef de la bande. Elle commanda du vin de Bourgogne et accueillit le jeune homme avec un bâillement mal étouffé. La boisson coulant à flot, le convive devint bruyant et tapageur, faisant des grands gestes pendant qu'il célébrait les nombreuses vertus de son cheval avec profusion de détails ennuyeux.

Pendant un temps, la Maupin répondit sur le même ton, discourant sur les mérites de sa propre monture, mais elle finit par être lassée des manières polémiques du jeune homme. Elle se leva pour partir et il saisit gauchement son bras pour la retenir, déchirant le lacet de sa manche. Elle le repoussa, lui faisant lâcher prise et renversant le vin. En un clin d'oeil, les épées étaient tirées de tous côtés. Luynes, bouillant de colère, et épaulé par ses suivants, fit face à la froideur de l'acier de la Maupin, et à son humeur glaciale.

D'Albert, ayant étudié avec les meilleurs professeurs, se croyait un excellent épéiste. Mais il vit parer ses meilleures attaques ; puis par une riposte foudroyante, La Maupin passa l’épée à travers son épaule et 6 pouces au-delà. Elle le tint, embroché sur sa lame, assez longtemps pour qu'il puisse regarder par-dessus son épaule et voir son propre sang sur le fer derrière lui. Elle retira son épée et, la remettant au fourreau, aida à le porter dans une des chambres de l'auberge. Là, elle fut informée que son adversaire était un gentilhomme prometteur, Louis-Joseph d'Albert de Luynes, fils du duc de Luynes et d'Anne de Rohan-Montbazon. Elle répliqua qu'elle-même était une dame de bonne naissance, et se présenta comme Mlle d'Aubigny, connue comme La Maupin.

Elle se retira là-dessus, laissant Luynes abasourdi et entiché d’elle. Il insista pour n'être soigné que par elle, tempêtant et arrachant ses bandages jusqu'à ce qu'elle accepte de s’occuper de lui. Ainsi commença leur liaison, qui allait durer toute leur vie. Tous deux eurent bien des amants tout au long des années, mais leur relation fut toujours spéciale.

Quand il eut récupéré, Luynes reçut l'ordre du roi de rejoindre son régiment. Ils se séparèrent, et il revint à Paris, et de là en Allemagne. Leurs adieux furent déchirants ; ils se jurèrent amour éternel et fidélité, et convinrent de se revoir quand ils le pourraient, à Paris ou en Allemagne.

La Maupin avait toujours la condamnation du tribunal planant sur sa tête, et donc ne pouvait pas retourner immédiatement à Paris. Au lieu de cela, elle continua vers le nord à Rouen. Là elle rencontra un autre jeune chanteur, son aîné de quelques années : Gabriel-Vincent Thévenard, le fils d'un traiteur d'Orléans. Il avait quitté son travail dans la cuisine de son père pour suivre une carrière de chanteur. Comme La Maupin, il était en route pour Paris et pratiquait en Province, et comme elle il était remarquablement doué pour chanter. Évidemment, Thévenard tomba bientôt sous le charme de La Maupin, se consumant de passion pour elle.

Bientôt les deux chanteurs se dirigèrent vers Paris, mais La Maupin était toujours sous le coup d’une condamnation, et elle n'osait pas occuper une position en vue à Paris. Si elle devait réaliser les prédictions de Maréchal, quelque chose devait être fait à propos de la condamnation à mort. Jusque là elle y avait échappé en gardant profil bas, et à cause de la réticence du tribunal à admettre ou à rendre publique la nature délicate de l'affaire.

Elle se rendit déguisée à la résidence campagnarde du Comte d’Armagnac à Marais. Le comte se révéla aussi sensible à ses charmes que jamais, et malgré tous les ennuis dans lesquels elle l’avait mis, il était content de la revoir. Elle lui expliqua ses problèmes et il accepta d’examiner l’affaire. Il tint promesse et soumit une requête au roi. Trois jours plus tard, le roi, dont on dit qu’il avait été secrètement amusé par l’impudence et l’audace de La Maupin, annula la sentence de mort du Parlement d’Aix.

Enfin, elle était libre de revenir à Paris. Il semble que ce fut vers 1690(Debut) ; elle avait  environ 20 ans. A l’époque, le Théâtre du Palais Royal était dirigé par le gendre de Lully, Jean Nicolas Francin, Maître d’Hôtel de la Maison du Roi. Francin avait pris la direction en 1688 après la mort de Lully.

Thévénard était arrivé à Paris avant La Maupin et, ainsi qu’il l’avait rêvé, avait été engagé par l’Académie Royale de Musique (l’Opéra de Paris) dès son premier jour dans la capitale, faisant de lui un ami encore plus influent.

Alors qu’elle était connue à Marseille sous le nom de Mlle d’Aubigny, elle utilisa le nom de Mlle Maupin à Paris. Elle ne fut pas acceptée dans la compagnie de l’Opéra de Paris aussi vite que Thévenard. Pour une raison ou une autre, Francin ne fut pas impressionné par elle au premier abord mais, toujours pleine de ressources, La Maupin ne se laissa pas freiner par cela. Elle alla voir Bouvard, un chanteur à la retraite, qu’elle persuada d’intercéder auprès de Francin, lequel se laissa séduire par sa beauté et sa belle voix. Ainsi elle fit ses débuts sur la scène de l’Opéra en tant que Pallas Athéna dans Cadmus et Hermione. Les rôles-titres étaient joués par M. Ardouin et Mlle Le Rochois.

Mlle Le Rochois gagna le coeur de La Maupin aussi vite que la Maupin gagna celui du public. Ils applaudirent son entrée en scène, après quoi la déesse émergea de sa machine, ôta son casque et prit un arc. Les sources diffèrent quant à savoir si elle avait un grand talent pour le chant, ou seulement une voix extraordinairement belle. Elles s’accordent néanmoins sur le fait qu’elle était une belle femme, peut-être la plus jolie de la compagnie, et on disait d’elle qu’elle était une bonne danseuse et une excellente actrice. Cette dernière qualité n’est pas surprenante, vu son évidente aptitude pour le théâtre.

Une source ou deux affirme qu’elle excellait dans les « rôles en pantalons(PantsRoles) », à savoir à jouer des rôles masculins, mais les seuls rôles mentionnés dans les deux sources sont féminins. Elle joua les déesses Minerve et Pallas Athéna, les reines Médée et Didon, fondatrice de Carthage, ainsi que la guerrière Clorinda.

Le scandale la suivit à l’opéra, où à la fois elle aima et se battit contre les acteurs et les actrices avec qui elle partageait la scène. On dit qu’elle tomba d’abord amoureuse de la soprano Marthe Le Rochois, puis de Fanchon Moreau, qui partageait avec Mlle Desmatins et elle-même les premiers rôles après la retraite de Mlle Le Rochois en 1698. Lorsque La Moreau ne répondit pas à ses avances passionnées, on dit que La Maupin tenta de se suicider.

Que ce soit parce que sa carrière à l’opéra mettait du temps à s’épanouir, ou par pur goût de l’aventure, La Maupin avait une deuxième carrière à Paris, comme duelliste professionnel. C’était une époque où un grand nombre de duellistes professionnels habitaient le Quartier latin et le Faubourg Saint-Germain. Ayant été entraînée enfant au maniement des armes, puis ayant affiné ses compétences à Marseille et sur les routes, La Maupin eut beaucoup de succès comme duelliste.

Une rencontre avec un autre acteur à l’Opéra montre que non seulement les chahuteurs, mais aussi des gens qui la connaissaient personnellement, pouvaient la prendre pour un homme quand elle se déguisait. Il s’agissait de Duménil, un ex-cuisiner élevé au rang de Ténor à l’Opéra de Paris grâce à sa voix magnifique. On disait de lui que c’était un type ennuyeux et stupide avec un ego énorme, du genre qui se pavanait comme un paon, et faisaient des avances grossières aux femmes de l’Opéra. Il leur aurait volé leurs objets précieux autant que leur vertu. Cette nuit-là, il mit la Maupin en colère d’abord en insultant et embarrassant Mlle Rochois, puis Fanchon Moreau et sa sœur. Il s’intéressa ensuite à La Maupin. Elle le repoussa et il répondit par un adjectif grossier. Le menaçant calmement, La Maupin prévint « ça ne s’arrêtera pas là ».

Plus tard cette nuit là, elle revêtit les habits d’un gentilhomme et l’attendit Place des Victoires. Là, elle le provoqua en duel, mais il refusa de croiser le fer avec cet inconnu, aussi elle le rossa sévèrement avec sa canne, et prit sa montre et sa tabatière. Le lendemain, Duménil raconta à ses amis de l’Opéra qu’il avait été agressé par trois voleurs, et que bien qu’il se fût débattu, ils l’avaient maîtrisé et lui avaient volé sa montre et sa tabatière.

C’était tout ce qu’avait espéré La Maupin : la possibilité de le discréditer publiquement. Ce qu’elle fit en déclarant : « Duménil, vous êtes un menteur et un vil poltron ! C’est seule que je vous ai défait. Vous aviez peur de vous battre et ainsi je vous ai donné une raclée retentissante. Comme preuve, je vous rends votre minable montre et tabatière ! »

Bien que sa tenue et sa conduite masculine firent que Duménil ne la reconnut pas et la prit pour un homme, il y eu des fois où elles lui apportèrent la célébrité et le scandale plutôt que l’anonymat. Une des occasions les plus mouvementées fut à un bal de la Cour.

C’était soit Louis XIV(Louis), soit Monsieur(Monsieur) son frère, le duc d’Orléans. La Maupin s’y rendit en habit de cavalier et joua ce rôle jusqu’au bout, mais sans dissimuler sa vraie identité ni son genre, semble-t-il. Elle concentra ses attentions sur une belle jeune femme, dont elle monopolisa le temps. Ils eurent plusieurs danses ensemble, et lorsque la conversation des invités bruissa de suppositions sur eux, La Maupin suggéra un rendez-vous plus intime, et scella la proposition d’un baiser passionné au milieu de la salle de bal.

C’était trop pour les trois jeunes galants, eux-mêmes soupirants de la jeune femme. Ils entourèrent le couple, protestant contre la conduite honteuse de La Maupin.

“A votre service, messires”, répondit-elle selon la formule standard du duel. Tous quatre se retirèrent au dehors pour régler l’affaire dans les jardins peu éclairés. La Maupin les défit tous les trois à la fois, bien que je ne puis dire si elle les tua ou se contenta de les désarmer et les blesser.

Quoi qu’il en soit, elle revint au bal seule et victorieuse, pour se retrouver face au roi. Louis demanda : « Êtes-vous la Jade la Maupin ? J’ai entendu parler de vos œuvres ! Dois-je vous rappeler mon décret contre les duels à Paris ? » Elle ne nia rien, car comment l’aurait-elle pu ? Elle était bien connue et avait clairement été le centre de l’attention générale. Il semblerait cependant qu’elle s’était présentée à Monsieur qui intercéda pour elle.

Le lendemain, elle attendit des nouvelles de son sort, mais au lieu d’être arrêtée, elle reçut la nouvelle selon laquelle le roi, qui aurait été encore une fois amusé par son panache, conjecturait que sa loi ne s’appliquait qu’aux hommes, et qu’elle était libre de se battre en duel à volonté. L’hésitation du roi lui donna le temps de fuir à Bruxelles, jusqu’à ce que la crise soit passée.

A Bruxelles, elle devint, pour un temps, la maîtresse de Maximilien Emmanuel(Elector), l’Electeur de Bavière (un des princes allemands du Saint Empire, et gouverneur des Pays-Bas Espagnols). L’Electeur se lassa finalement d’elle, et la remplaça par une comtesse. Il essaya de la congédier en envoyant le propre mari de la comtesse avec 40.000 francs et l’ordre de quitter Bruxelles. Elle envoya l’argent à la tête du comte en déclarant que c’était un cadeau digne d’un cocu comme lui-même.

Elle quitta cependant Bruxelles, retournant à Paris. Ce fut peut-être (Reconciliation) à ce moment qu’elle se réconcilia avec son mari. Un peu de respectabilité lui aurait bien servi à ce moment. Tout ce que je sais, c’est qu’à un moment donné pendant qu’elle était à Paris, elle fit rappeler son mari de Province et se réconcilia avec lui. On dit qu’ils vécurent ensemble en parfait accord pendant de nombreuses années, jusqu’à la mort de M. Maupin.

De retour à Paris, elle reprit sa carrière sur la scène de l’Opéra (où, en plus du rôle de Athéna de ses débuts, il est rapporté qu’elle joua des personnages comme Didon, et Minerve). En 1702, elle remplaça au pied levé Mlle Desmatins dans le rôle de Médée dans l’opéra de La Grange Médus, un rôle si difficile que Mlle Rochois avait dit qu’elle-même l’aurait refusé. La même année, André Campra écrivit l’opéra Tancrède pour La Maupin. C’était le premier opéra à Paris écrit pour un premier rôle féminin qui ne soit pas un soprano.

Elle prit sa retraite de l’Opéra en 1705 et mourut deux ans plus tard.

Notes

Sources:

[Pour l’instant, retrouvez mes sources à: http://www.eldacur.com/~brons/Maupin/MaupinSources.html, http://www.eldacur.com/~brons/Maupin/MoreMaupinSources.html, http://www.eldacur.com/~brons/Maupin/MaupinSourcesGilbert.html, http://www.eldacur.com/~brons/Maupin/MaupinSourcesDautheville.html]

bullet L’introduction à l’anthologie de Jessica Amanda Salmonson Amazons II
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The Encyclopedia of Amazons par Jessica Amanda Salmonson.

bullet La biographie universelle des musiciens de Fétis, traduite par mon correspondant internet François Velde
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Gallant Ladies par Rogers.

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Queens of Song par Ellen Creathorne Clayton.

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Un article dans le New Grove Dictionary of Opera par Julie Anne Sadie. 

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Une note de bas de page de The Sword and Womankind par Beaumont. 

bullet Un extrait de l’Histoire anecdotique du duel d’Emile Colombey, qui apparut dans une annexe à The Sword and Womankind
bulletDes échanges personnels avec un collègue chercheur qui souhaite rester anonyme.
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Un chapitre de Women In Men's Guise par Oscar Paul Gilbert. 

bullet Une traduction du roman d’Anne-France Dautheville Julie, Chevalier de Maupin, par mon net-correspondant « LaMaupin13 »

Julie:

La plupart des sources donnent le prénom de La Maupin comme inconnu. Rogers cependant, l’appelle parfois Julie ou Julia. Il cite une lettre de Thévenard adressée à « Julia », et Roger lui-même l’appelle « Julie D’Aubigny, l’incroyable Maupin ». Le roman bibliographique d’Anne-France Dautheville, portait le titre « Julie, Chevalier de Maupin » (Paris, 1995)

D’un autre côté, un article dans le magazine Suisse "l'Eveil culturel", Catherine Buser nomme La Maupin « Emilie d’Aubigny ». La référence est courte ; le passage est à peu près le suivant :

C’est également à cette époque qu’ont vécu Emilie d’Aubigny, plus connue sous le nom de la «Maupin», cantatrice réputée pour ses frasques rocambolesques et la Demoiselle Chantilly, épouse du directeur de l’opéra comique avec qui elle entreprit d’explorer toutes les facettes du métier. »

On a aussi fait référence à elle comme Madeleine ou Madeline, du probablement à une confusion entre la Mlle Madeleine de Maupin de Théophile Gauthier, et La Maupin historique. Un cas intéressant de cela est un article de Outlines, qui l’appelle “Mlle Madeleine Maupin d’Aubigny”, combinant le nom que Gauthier avait donné à son personnage avec le vrai nom de jeune fille de La Maupin. ^

d'Aubigny

Il est intéressant de noter que l’année où elle serait née (d’Aubigny du secrétaire du comte d’Armagnac), Louis XIV conféra le fief et le titre du seigneur d’Aubigny récemment décédé à Louise-Renée de Kéroualle, la maîtresse de Charles II d’Angleterre (qui lui-même aurait hérité du titre du Duc de Lennox, si Louis l’avait autorisé). En 1684, le fief d’Aubigny fut transformé en duché-pairage, faisant de Louise la duchesse de Portsmouth, comtesse de Fareham, baronne Petersfield, et duchesse d’Aubigny.

La propre maîtresse de Louis, la marquise de Maintenon, était également d’Aubigny (ou d’Aubigné), étant la petite-fille d’Agrippa d’Aubigné, le Hugenot.

Il est peu probable que le père de Mlle Maupin, M. d’Aubigny, ait été lié à la duchesse d’Aubigny, au duc de Lennox (qui était seigneur d’Aubigny jusqu’à sa mort peu avant la naissance de La Maupin), ou à Agrippa d’Aubigné. Aubigny est un village dans le Berry. Le nom d’Aubigny pouvait simplement refléter le fait que son père (ou un de ses ancêtres) était de ce village, ou peut-être d’un autre village de ce nom ailleurs en France.

Cependant, il est amusant de trouver trois femmes célèbres du 17ème siècle portant ce nom.

Voyez Scots Members of the French Nobility ou Notes on the French Peerage pour en savoir plus sur les seigneurs d'Aubigny. ^

Grand Écuyer

Le comte d’Armagnac était Grand Écuyer, un des quatre Grands Officiers de France, nommé par le roi, et appelé par lui « cousin ». (…) Il était en charge de la Grande Écurie et ceux qui y travaillaient, aussi bien que les hérauts, porteurs d’armes et autres officiers de cérémonies. Voyez ma page Master of the Horse pour plus de détails.

Le comte d’Armagnac était à l’époque Louis de Lorraine-Harcourt-Armagnac (1641-1718). Ses titres comprenaient comte d’Armagnac, comte de Charny, comte de Brionne, et vicomte de Marsan. Il était chevalier de l’Ordre du Roi, aussi bien que Grand Ecuyer. Ses charges incluent sénéchal de Bourgogne et gouverneur d’Anjou. Sa femme était Catherine de Neufville, et il eut 14 enfants, dont Henri, comte de Brionne ; le prince Camille ; Louis, bailli de Lorraine ; et le prince Charles, qui succéda à son père comme comte d’Armagnac et Grand Ecuyer.

Si La Maupin est née en 1670, alors leur liaison commença quand elle avait 14 ans, et qu’il en avait environ 45. ^

La Reynie

Nicolas-Gabriel de La Reynie (1625-1709) servit comme lieutenant de la Police de 1671 à 1697 (le titre fut changé de lieutenant à lieutenant-général en 1674)

Sa fonction supervisait ce qui serait aujourd’hui la police, les cours de justice, la direction des travaux publics, le service des égouts, la lutte contre le feu, la commission d’urbanisme, la direction des affaires sanitaires, le bureau des poids et mesures, le bureau du procureur, et d’autres encore. Ses charges incluaient la responsabilité des hôpitaux et des prisons, le contrôle des éditeurs, imprimeurs et vendeurs de livres, aussi bien que l’approvisionnement en nourriture et les prix ; l’inspection des marchés, foires, hôtels, pensions de famille, tripots et bordels ; la supervision des élections des maîtres et gardiens des six guildes de marchands. Il fut responsable de la construction d’un pont sur la Seine, nécessitant un alignement de maisons, et un système étendu d’éclairage des rues. Il pouvait lorsque c’était nécessaire, appeler et commander l’équivalent d’une troupe.

On tient généralement La Reynie pour responsable de la transformation de Paris d’une cité médiévale sordide en la brillante métropole moderne qui fut connue comme « la ville lumière ». Son affaire la plus célèbre fut « l’affaire des poisons », un scandale de sorcellerie et d’empoisonnement qui remonta jusqu’à la maîtresse du roi.

Voir Nicolas Gabriel de La Reynie pour plus de détails. ^

Travestissement

Les diverses sources ne s’accordent pas sur le fait qu’elle se fut travestie pour cacher son genre. Selon certains, comme Clayton, elle arriva à Marseille déguisée en homme, et sous le nom de M. Aubigny, alla escrimer, chanter, séduire et fut condamnée sous ce déguisement. D’autres, par exemple Rogers, racontent que bien qu’elle s’habillait en tenue de cavalier, elle ne faisait pas secret du fait qu’elle était une femme, mais au contraire le faisait savoir pour que sa maîtrise de l’art de l’épée semble encore plus stupéfiante. Ceci correspond un peu plus avec sa personnalité, et certaines histoires racontent par exemple, l’histoire du chahuteur, que l’on a situé à la fois à Marseille et plus tard à Paris.

Je soupçonne que l’unique preuve dans tout cela se trouve dans la condamnation de « Monsieur d’Aubigny » par le parlement d’Aix pour le « détournement » de la novice. Rogers explique l’usage du masculin par “une dénégation délicate et pleine de tact des circonstances les plus choquantes de l’affaire », tandis que dans la version de Clayton, cela est davantage dû au fait qu’elle se faisait passer pour un homme à l’époque. J’ai choisi l’avis qu’elle se travestissait ouvertement plutôt que se faire passer pour un homme, car cela correspond à sa personnalité audacieuse et sa conduite plus tard, et plus important peut-être, parce que je n’ai pas encore vu de preuve réelle qu’elle se soit spécialisée dans les « rôles en pantalon » à l’opéra, comme le raconte Clayton.

A mes yeux, la classer comme femme se faisant passer pour un homme, plutôt que femme affichant ouvertement les habitudes et les goûts d’un homme, fait partie d’une tendance à dénier ou masquer son côté lesbien par des gens qui condamnent cet aspect. Clayton fait croire à la novice que La Maupin est un homme, et affirme que ses amis « désapprouvant à juste titre sa relation, la placèrent dans un couvent à Avignon ». Plus tard, au bal royal, elle dit que La Maupin « insulta une dame de haut-rang si grossièrement » que ses amis demandèrent réparation, alors que d’autres racontent qu’elle embrassa la femme et organisa un rendez-vous galant en étant habillée en homme, mais connue pour être une femme. En décrivant l’incident de la tabatière, Clayton parle du « pauvre Duménil », et suggère que la Maupin aimait être insultée, faisant d’elle « la brute ».

Peut-être que ce sont mes propres a priori, mais j’ai tendance à voir la Maupin comme ayant une conduite encore plus effrontément explicite. Bien qu’elle ait été parfois prise pour un homme à cause de ses habits et de ses manières, elle aurait eu peu de désirs de vraiment cacher son identité. Le roi la connaissait comme « la Jade La Maupin » au bal, et c’était le fait qu’elle était une femme qui rendaient ses séductions de la femme au bal et de la novice à Marseille si inacceptable Si elle passait vraiment pour un homme, il y aurait eu bien moins à objecter, et donc bien moins de raisons pour les évènements en général. 

Il est intéressant de voir que Gilbert affirme que “Personne donc ne vit rien d’étrange dans les vêtements masculins et la conduite de notre héroïne », du au fait que « bon nombre de femmes faisaient comme elle » Je trouve ceci un peu étonnant. Je soupçonne que la vérité se trouve quelque part au milieu entre les versions de Clayton et Gilbert.

NdT : une des sources de Jim Burrows, Amazons II, par Jessica Amanda Salmonson indique: 

« Au 17ème siècle, les femmes épéistes étaient considérées comme des bizarreries, mais se voyaient cependant; les Français paieraient pour voir des duellistes femmes aussi bien qu’ils auraient payé pour voir un ours danser. »

Gilbert indique de son côté : 

Les duels entre femmes devinrent assez communs vers la fin du règne de Louis XIV. Des archives indiquent qu’une femme écrivit à une autre ce qui suit :  « J’inverse l’ordre des choses et, contrairement aux habitudes des femmes, vous fais savoir que je suis dans la ruelle, épée à la main, afin de me battre contre vous pour la possession de Philémon ». Ce duel eut lieu, et les deux amazones se battirent si furieusement, et se donnèrent chacune tant de coups d’épées, qu’aucune d’elle ne sortit vivante de ce combat. ^

Débuts

Fétis indique 1695 pour ses débuts. Campardon et Sadie donnent 1690. Campardon donne les rôles qu’elle joua en 1690 et 1693 ainsi que toutes les années entre 1698 à 1704. Gilbert indique qu’elle rencontra Thévenard en 1691 et qu’ils firent leurs débuts peu après. Letainturier-Fradin donne une liste complète de ses rôles. Le plus ancien dans la liste est Pallas en 1690. ^

Mademoiselle 
Note de François Velde sur l’usage du "Mlle." 

L’utilisation de “Mademoiselle” avec son nom de femme mariée pourrait être une tradition du théâtre. Il y a d’autres exemples, par exemple Mlle Deschamps qui était mariée à un Deschamps. Le fait de ne pas être appelées Madame pourrait refléter le bas statut social des actrices. ^

Rôles en pantalon

Je crois que l’origine de l’idée que La Maupin jouait des rôles masculins est Clayton, qui écrivit “elle excellait à la fois dans les pièces comiques et sérieuses, mais c’était dans les personnages masculins qu’elle brillait plus spécialement : pour ceux-ci, son apparence et ses manières étaient très adaptées. » Je crois que cette affirmation peut être retracée plus loin à une mauvaise lecture de Le Cerf, qui selon Sadie, “remarqua son succès dans des rôles pour lesquels elle abandonnait sa coiffure et éventail pour un casque et une lance, notant cependant que ses manières vives et cavalières et sa voix singulièrement forte n’offensaient ni la décence ni la vraisemblance ». Le Cerf faisait bien sûr référence à ses rôles de guerrière et de déesse, mais Clayton aurait pu croire que les rôles de guerriers étaient masculins. ^

Louis XIV

Le Web a de nombreuses pages sur le roi-soleil. Je recommande d’utiliser un moteur de recherche, ou de simplement se rendre sur la page du Château de Versailles^

Monsieur

Le frère le plus proche du roi est appelé « Monsieur » par la coutume. De même, sa femme était Madame, sa fille aînée était Mademoiselle. A l’époque de La Maupin, Monsieur était Philippe, duc d’Orléans. Sa deuxième femme, Elisabeth-Charlotte, duchesse d’Orléans, écrivit de très nombreuses lettres, dont beaucoup furent collectées dans « Les Mémoires de Louis XIV et de la Régence » ^

Électeur

Le fait que l’Électeur de Bavière fut à Bruxelles, et ordonna à La Maupin de quitter la ville, indiquerait que cet épisode survint entre 1692 et 1699 ou 1700. Maximilien-Emmanuel, Électeur de Bavière pendant la majeure partie de la vie de La Maupin, fut nommé gouverneur des Pays-Bas Espagnols en 1692. Les morts de son fils Joseph Ferdinand en 1699, et de Charles II d’Espagne en 1700, mirent fin à son emprise sur la région.

Si elle débuta en 1690, alors l’épisode de Bruxelles aurait pu avoir lieu entre 1692 et 1698. Si ses débuts furent en 1695, alors la fourchette se restreindrait à 1696-1698. Personnellement, ma préférence est quelque part vers 1696 ou 1697. L’Électeur épousa la princesse polonaise Teresa Kunigunda Sobieska en 1694, dont le père mourut en 1696. On pourrait s’attendre à ce que Maximilien aurait eu une conduite quelque peu meilleure juste avant son mariage plutôt que un an ou deux après. Aussi, dans les années pour lesquelles nous n’avons pas d’archives sur sa présence sur la scène de l’Opéra (1694-1697), je choisis la deuxième moitié.

Voyez la guerre de succession d’Espagne ou Maximilien-Emmanuel pour plus de détails. ^

Réconciliation

J’ai deux différents récits de la réconciliation de M. et Mme Maupin. Fétis note qu’elle le fit rappeler et vécut « en parfait accord » avec son mari à Paris pour quelque temps avant la mort de ce dernier en 1701. Campardon dit qu’ils se réconcilièrent peu après sa retraite en 1705. Quelle que soit la version, il semblerait que ce devrait être après son retour de Bruxelles. ^

Chronologie

Nous avons plusieurs éléments de chronologie. Nombre d’entre eux peuvent être trouvés dans la chronologie. Une des meilleures est le Répertoire Chronologique de Letainurier-Fradin.

Copyright © 1995-2003, Jim Burrows. Tous droits réservés. Les extraits cités appartiennent à leurs auteurs.

La page originale (en anglais) est à cette adresse: www.eldacur.com/~brons/Maupin/LaMaupin.html

Traduction de Rappar. Relecteurs : Atma.

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