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DE L’ANIMATION A LA SIMULATION 2ème partie

Toonpunk 2020½

(titre de la version Cyberpunk de Toon)

par Gendo Ikari



Comme annoncé au précédent numéro, je vais commencer ma rubrique qui lie manga et jeu de rôle non par le Med-Fan mais par les univers cyberpunks. Et tout de suite, sans ambage et sans tarder, je me permets d’établir un distinguo entre deux sortes de cyberpunk ; disons le punk et le cyber.

A ma droite, le punk, contestant les relations corporatistes féodales de type samurai. 

A ma gauche le bourrinus ex-machina : le cyber avec son lot d'androïdes bienfaisants et de charcudocs fous, à moins que ce ne soit le contraire.

Pour dévoiler quelques sources que j'exploiterai au cours de cet article, je citerai juste Crying Freeman, the Dirty Pair, Ghost in the Shell, Armitage III, Patlabor, Gunnm.

Mais tout d'abord, laissez-moi vous révéler la vision que j'ai du cyberpunk (je laisse de côté Shadowrun dont l'unité géographique et la part fantasy font un peu tache dans ce monde technologique). Le cyberpunk a deux composantes principales : la faible intervention de l'Etat et la recherche identitaire.

La première composante est pour moi la plus importante quant à la description du monde. En effet le rôle fantoche de l'Etat américain place Night City sous la coupe de deux pouvoirs : les corpos et les mafieux. Bon, certes, c'est la même chose me direz vous, sauf que les corpos sont obligés d'influencer l'appareil politique pour mener leurs actions au grand jour. Quant aux mafieux, ils utilisent les Yakusa.

Qu'en est-il des mangas ? Si vous voulez voir comment se déroule un conseil d'administration de Yakusa, je vous renvoie au premier épisode de Crying Freeman (ou au film). Mais cela n'est pas tout : le côté "familial" de la Mafia ne doit pas être négligé.

On s'imagine souvent les Yakusa comme des agents totalement loyaux envers leur "chef de service" et à la culture d'entreprise. En fait, avant d'être des multinationales du crime, les Yakusa sont des entreprises familiales et c'est leur sens de la famille qui détermine leur loyauté.

Comment s'en servir dans le jdr, me demanderez vous ? Premièrement, prenez le Freeman : comme personnage, n'est-il pas beau ? Non je ne parle pas seulement de son apparence mais réfléchissez-y : voilà un personnage qui sait faire quelque chose d'autre, aussi professionnellement que l’assassinat : la poterie. 
De plus, lorsque vous pensez au deuxième dessin animé (D.A.) "long métrage" sur le Freeman, son organisation peut constituer un sacré contrepoids à certaines corpos (vous savez, celle dont le nom commence par "M" et finit par "ilitech"). Le Freeman pourrait non seulement être accepté au dernier niveau de l'Afterlife (le bar des solos de Night City) mais aussi surclasser certains super-cyber-solos qui ne valent pas trois milliards (de puces).

Mais oublions le clan des Dragons et revenons aux Yakusa en général.

Il y a deux façons de les voir. 

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Soit ce sont des corporates comme les autres, avec des cravates et des lunettes noires et, en regardant Nicky Larson (City Hunter), vous y trouverez moult scénars pour lutter contre eux.

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Soit vous les considérez comme des familles japonaises qui tiennent à leurs traditions et ainsi tiennent tête aux corpos et à leur logique inhumaine, et ici vous puisez dans Crying Freeman 2ème épisode.

Ce dernier exemple m'amène tout droit au sujet suivant car vous le savez, le Freeman souffre d'amnésie et n'a que la baston pour s'en sortir, tout comme Gunnm (mais c'est une autre histoire…). La recherche de son identité, voilà un sujet qu'il est vaste dans les mangas, et rare dans les jeux de rôle.

Mais revenons à l'univers cyberpunk. Là encore deux possibilités. Les personnages essayent de se détourner de leur moi profond par le virtuel et la cybernétique ou bien, des personnages (semi)mécaniques recherchent les fondements de la pensée humaine et de leur personnalité. En gros, ils cherchent la réponse à la question " les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? " (1)

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Pour le premier cas, j'aimerais citer the Dirty Pair. Ce manga assez méconnu raconte l'histoire de deux tueuses incontrôlables de la police cybernétique. Et ici les cyberaccros me répondent en chœur "Ouahouh, le cyberpsycho squad !". Sauf que ces tueuses ont mauvais goût (elles aiment le karaoké), sont sadiques et très légèrement habillées, sans même parler de leur ensemble string-wonderbra en acier.

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Mais passons au second cas, qui est le plus représenté. Cela pour deux raisons : le plaisir de la quête qui ramène tout à un Bildungs Roman (roman d'initiation) et l'influence américaine. Le roman d'initiation a de nombreux échos dans les mangas. Prenons l'une des bibles : Ghost in the Shell. C'est l'histoire d'une effroyable machine à tuer qui peu à peu se rend compte de toutes les implications de l'Humanité et qui devient une enfant après avoir tué le puppet master. "Ah oui, comme dans Pinocchio"… si vous voulez.

Mais le plus probant dans cette quête d'identité est probablement Gunnm, l'histoire d'une androïde construit autour d'un cerveau et d'une colonne vertébrale artificielle, trouvés par Daïsuke, un genre de Medtech. Elle connaît l'amour, elle a des frappes fulgurantes, elle est aux prises avec un fixer noir et chauve. A chacune de ses étapes initiatiques, elle se débarrasse d'adversaires de plus en plus " bourrins ".

Mais un détail sauve cette apparente apologie de la violence : chaque fois qu'elle est en situation désespérée et qu'elle tente son dernier coup fatal, la mémoire lui revient. Et là cela devient du pur art, car l'anamnèse (qu'est ce que t'es-z-intelligent, Gendo !) donne un sens au combat, un but, un intérêt. De plus l'environnement très punk pourrait facilement être transposé à l'univers de Cyberpunk par des meneurs un peu imaginatifs.

Pourquoi ne pas imaginer des scénars à base de redécouverte de l'humanité par un individu cybernétisé et non sa découverte par une machine intégrale ?

Et puis, il y a les autres histoires. Ces histoires qui se servent de la panoplie cyber pour raconter des enquêtes de Film Noir. C'est le cas d'Armitage III où l'héroïne, policière, et son coéquipier se lancent à la poursuite d'un cyberpsycho plus ou moins créé exprès et à la solde d'une mégacorpo. 
Si vous cherchez des histoires police vs corpo, regardez ici. Ou alors dans Patlabor, dans lequel des flics sous des exosquelettes de type Robotech font régner la justice. Le seul intérêt de cette dernière série étant le réalisme des rapports professionnels au sein d'un commissariat.

A ce point, vous vous demandez pourquoi j'ai parlé d'influence américaine dans la recherche d'identité. La réponse est simple. La culture américaine est une culture individualiste exceptionnelle, de spécialisation et donc de recherche d'identité. 
De plus, l'Oncle Sam a apporté la haute technologie au Japon après la seconde guerre mondiale ; c'est cette technologie qui a permis au pays du Soleil Levant de surpasser à son tour les Etats-Unis - je vous renvoie à ce que dit Arasaka dans Cyberpunk RPG sur son projet de conquête des Etats-Unis -.

Laissez moi conclure par cette constatation de l'énorme influence du Cyber dans la japanim'. Celle-ci brasse tout autant les notions de tradition, d'identité, de pouvoir. Elle permet de sonder l'âme humaine dans ce qu'elle a de plus noir, de plus froid que le métal. Le cyberpunk nippon puise ses thèmes autant du côté enquête / lutte de pouvoir que du côté de la quête mystico-technologique.

(c) Gendo Ikari

(1) Titre original de Blade Runner.

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