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Des débuts prometteurs (1)
Outils de Maîtrise
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"Je suis l’alpha et l’omega "
- Dieu (aka le MJ le plus puissant du monde)
Le début et la fin d’une partie de Jeu de Rôles sont deux périodes
cruciales et difficiles:
- le début, car il doit impliquer les joueurs;
- la fin car elle doit constituer l’apothéose de la séance.
Dans un article en deux parties (1ère partie : les débuts, 2ème partie : les fins) je
vais évoquer ces aspects déterminants de la Maîtrise. |
Les débuts
La plupart des scénarios prennent leur
temps pour débuter l’aventure :
" Les persos arrivent dans un village
enserré dans les montagnes… <description du village>
"A la marmotte" est une auberge fleurie qui sent
bon le bois de pin…<description de l’auberge> Le tenancier
est Jo, … <description>."
Pourtant ces longues descriptions sont
inutiles: l’auberge ne sert que (exemple volontairement bateau), parce qu'il y a un magicien
dedans, qui cherche des aventuriers pour leur
confier une mission : récupérer une gemme dans un donjon, à
quelques jours de voyage.
Alors pourquoi décrire tellement un décor?
Les auteurs s’imaginent que plus ils ont de description, plus il
rallongent l’introduction, mieux les
joueurs s’intégreront dedans. Erreur dans le timing - mais ce
sera expliquée dans la deuxième partie. Mais erreur dans
l'implication; ci-dessous l’anecdote de JP Dandrieu (in "Baloche
plante le scénario"):
"Les joueurs sont attablés dans une auberge
(et oui!), ils discutent ensemble de leurs dernières aventures
communes, se remémorant le bon temps, se racontant les blagues qu'ils
connaissent tous par coeur quand tout a coup un murmure parcourt la
pièce. Se retournant pour connaître l'origine du murmure les joueurs
aperçoivent sur le pas de la porte d'entrée, un vieil homme aux
cheveux blancs, (...). Vêtu d'une simple robe blanche il se fraye un
chemin dans la foule qui s'écarte sur son passage, ne manquant pas de
commenter à voix basse l'incongruité de sa présence en ces lieux.
Sans hésiter un seul instant il se dirige droit vers la table des
joueurs.
[commentaire : Le MJ a tellement insisté sur le
décor bien agréable que les personnages-joueurs (et les joueurs)
sont impliqués dans... l'histoire de l'auberge! Ils veulent vivre
"l'aventure" de rester au chaud au coin du feu, et ne sont
pas dans l’état d’esprit d’aventuriers
prêts à partir, la première opportunité venue.]
Guerrier 15ème de la troupe : -
"BARRE-TOI!"
Interloqué le vieillard s'arrête. Le guerrier insiste :
- "OUAIS TOI LA DERRIÈRE MOI, TU-TE-CASSES!!!"
Tout le monde se regarde sans comprendre (le DM comme les autres
joueurs) et le guerrier poursuit :
- "ON EN VEUT PAS DE TA MISSION ALORS SALUT"
Puis le joueur achève :
- "C'est vrai quoi on est bien là, pépères entre potes on va
pas se laisser emmerder non?"
Le vieil homme de l’anecdote s’appelle l’EMPLOYEUR.
C’est lui qui apporte l’aventure. Le problème c’est que les
joueurs peuvent refuser la mission, le prendre en grippe ou se méfier
de lui, etc. Il vaut mieux éviter ce genre de PNJ, et s’arranger que
les PJ travaillent pour eux-mêmes.
Résultat : la place consacrée à l’intro est plus grande que
celle consacrée à la fin. Et cela se reflète dans nos parties :
les intros sont poussives, les personnages se cherchent et l’aventure
peine à démarrer ; cela peut se rallonger jusqu’à une séance.
Un bon début d’aventure doit atteindre les buts suivants :
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Donner aux persos de bonnes raisons de faire l’aventure. |
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Donner aux persos des bonnes raisons de faire l’aventure ensemble. |
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Faire rentrer les persos de plain-pied dans l’intrigue |
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Faire passer progressivement les joueurs de la grisaille du
quotidien à l’aventure épique, des bavardages hors-jeu au
roleplay. |
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Poser le décor |
Voici deux outils qui permettront d’atteindre ces
buts :
Premier outil : la durée
J’ai décrit dans le récit Odieux
15 points une introduction pleine de roleplay qui avait duré toute
une séance. Je m’étais félicité de la qualité de celle-ci :
les personnages étaient posés, il y avait plein de relations entre
eux, le décor était bien définie, et la mission acceptée. Seul
bémol : l’aventure n’avait pas vraiment démarré...
La partie suivante mit des semaines à se tenir, et certains joueurs ne
revinrent pas (bon d’accord c’est un club, les joueurs
papillonnent).
A la réflexion, bien que l’on se fut bien amusé, ce ne fut pas un
bon début d’aventure: trop long.
Un autre exemple que j’avais lu dans le forum fr.rec.jeux.jdr (news:fr.rec.jeux.JdR)
était une table de roleplayers fous:
Début de l’aventure : les personnages
montent leur campement pour la nuit. Les joueurs racontent en détail
comment ils s’installent, comment Untel pose ses collets, qui campe
où, comment ils font le feu, comment ils occupent la veillée, etc.
Et ce, pendant toute la séance. L’aventure n’avança pas plus
loin que la première nuit dehors. Et on comprend que la partie non
plus n’alla pas plus loin que cette première séance.
Les longues intros, cela fait de très belles
descriptions mais quand l’aventure n’est pas commencée, que rien d’important
et lié à la trame ne pousse les personnages vers le scénario, les
joueurs s’ennuient et ne reviennent pas. Comme le dit la loi de Murphy
des intros: Lorsque l'introduction se passe dans une auberge, les
personnages seront toujours dans cette auberge à la moitié de la séance.
Cette loi vaut pour tous les décors d'introduction.
La leçon qu’on peut tirer de ces deux exemples est la suivante :
l’intro doit être la plus courte possible. Les persos ont
accepté la mission ? Bien, transportez-les en deux phrases devant
la porte du " donjon ". Ne perdez pas de temps à
faire acheter l’équipement, ou bien à jouer le voyage jusqu’au
lieu de l’aventure. Imposez.
L’employeur leur a donné l’équipement, les
mules ont tout transporté dans un voyage absolument sans histoires.
Non, le voleur n’a eu aucune occasion de faire des poches, le clerc
de convertir, le guerrier de s’entraîner au combat, et les autres
de récupérer des composants ou des herbes médicinales.
Ne décrivez pas : agissez. Ne vous
éparpillez pas : recentrez. Et maintenant ils sont en face de la
porte du donjon NOM DE DIEU ! Et: "QUE FAITES-VOUS?"
Un des moyens de raccourcir l’intro est de la supprimer.
Cette technique s’appelle In media Res et elle n’est pas
mieux exprimée que dans le Livre de base du JdR Star Wars 1ère
édition (version WEG), p.88 de l'édition Jeux Descartes:
" In media Res " est une
expression latine qui signifie " au milieu des
choses ". Elle est employée pour parler des histoires qui
commencent en pleine action, et non au début. Par exemple le film
" La guerre des étoiles " commence au moment ou
le destroyer stellaire de Dark Vador tire sur le vaisseau de la
princesse Leia. L’histoire ne commence pas au moment où la
princesse conçoit le projet de dérober les plans de l’Etoile
Noire ; les plans ont déjà étés volés et Leia est en train
de s’enfuir.
Débuter une aventure in media res est une technique utile. De cette
façon, les joueurs sont plongés au cœur de l’action. Ils
commencent dés le départ avec une situation intéressante, au lieu
de perdre une heure ou plus à se demander quand commencera l’action.
Plus important encore, vous n’avez pas, dans ce cas, à vous
inquiéter d’orienter vos joueurs dans la bonne direction. Quand
quelqu’un leur tire dessus, ils ne vont pas se demander s’ils
acceptent ou non une mission, ou quelles sont les options qui s’offrent
à eux.
Cependant, cette option me met un peu mal à l’aise,
et est difficile à manier avec des joueurs expérimentés, justement
parce qu’elle ne leur a pas donné le choix.
Une fois l’action in media res terminée, et dés qu’il y
aura une pause dans l’action, les joueurs vont demander :
" comment en est-on arrivé là ? ". Si vous
leur dites que c’est parce que les persos ont accepté une mission d’un
magicien avant le début de l’aventure, ils vous crieront qu’ils
ne l’auraient jamais fait. Ils auraient négocié une prime,
ils auraient acheté tel équipement, ils auraient agi
autrement. Ils vous diront tout ça non pas pour le plaisir de vous
contredire, mais parce que vous les avez privé d’un de leur droits de
joueurs : décider de ce que font leurs persos.
Les joueurs un tant soit peu expérimentés aiment jouer le moment où
ils reçoivent la mission : cela leur permet de récupérer des
informations supplémentaires, de soupçonner des coups fourrés de la
part de leur employeur (aussi appelé " syndrome de Shadowrun ")
et d’essayer de détourner la mission à leur profit. Ainsi, l’aventure
commence à quitter la route alors qu’elle n’a même pas commencé
Bref, avec la technique in media res, les joueurs ont l’impression
qu’on leur force la main. Mais sans cette technique c’est le MJ qui
se retrouve avec des personnages qui refusent la main tendue de leur
employeur et/ou se dirigent vers l’aventure par le chemin des
écoliers.
C’est pourquoi je préfère une technique intermédiaire: faire
venir l’aventure aux personnages.
Combien de fois n’ai-je pas
débuté une campagne par : " vous êtes tous dans la
même diligence ; elle est attaquée ! ". Là il n’y
a pas eu d’employeur, pas eu de mission avant l’attaque. Il n’y a
pas eu d’actes passés de leurs personnages que les joueurs puissent
contester.
Pour reprendre mon exemple bateau, il faut que le donjon arrive aux
personnages plutôt que les personnages arrivent au donjon.
Les persos sont dans une diligence/une caravane
marchande et voyagent ensemble, car ils ont la même destination. Le
paladin rejoint son seigneur. Le nain fait son "Tour de
France " pour apprendre son métier auprès des Compagnons.
Le magicien se rend à une célèbre bibliothèque. Le voleur…fuit
un endroit où il est devenu un peu trop célèbre.
Soudain ils sont attaqués par une bande de gobelins. Le combat s’ensuit,
les assaillants fuient. Un des gobelins, blessé ou prisonnier, leur
parle de la gemme en échange de la vie sauve. Justement, le donjon
est juste à proximité…
La scène in media res non seulement s’intègre
dans l’histoire, mais en constitue elle-même l’introduction. Ce qui
fait que les joueurs ne s’arrêtent pas à la première scène, mais
de plus poussent d’eux-mêmes pour en explorer les prolongements. De
cette façon, on supprime l’employeur qui risquait de déplaire et de
faire capoter le scénar. Les joueurs ont le sentiment de décider
eux-mêmes de leur aventure, alors qu’ils ne font que répondre aux stimuli
de l’introduction.
Une gemme dans le donjon d’à côté… des gobelins désorganisés…
Pourquoi les PJ auraient-ils besoin d’un employeur alors qu’ils
peuvent organiser une expédition eux-mêmes ?
Point à surveiller : l’aventure prend de l’ampleur, si
elle ne vient plus aux personnages par hasard, mais à cause de leur
nature. En effet, si chaque fois que les persos prennent un moyen
de transport, les avions sont détournés, les trains déraillent, les
voitures tombent en panne à côté de la maison d’un psychopathe, …les
joueurs risquent de dénoncer le côté artificiel des débuts d’aventure,
et de faire laisser leur persos à la maison "par souci de
vraisemblance".
Une coïncidence de ce genre ne peut marcher qu’une fois. Il faut
en venir aux débuts d’aventure orientés vers les personnages
(et leur motivations).
Actions et motivations
L’idéal est que l’action prenne la forme d’un PNJ ou une
organisation, qui vienne aux personnages à cause de leur métier ou de
leur nature - ce qui est en plus très logique.
Parfois c’est évident, parce que tous les personnages font partie d’un
même groupe, ce qui entraîne automatiquement que des gens vont s’intéresser
à eux, venir les chercher, et qu’il va leur arriver des choses .
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Vampire (les persos sont des Vampires):
des antédiluviens vont tenter de les contrôler (ou un clan
adverse, ou le Sabbat, ou des chasseurs de Vampires...).
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Star Wars (les persos font partie de la
Rébellion): les Impériaux attaquent l'endroit où ils se cachent..
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Ambre (les persos sont Princes d’Ambre): un intriguant
familial décide de les prendre comme pion dans son maxi-complot.
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INS/MV (les persos sont des anges ou
des démons): le camp adverse passe à l'attaque. Trouvez le
traître. |
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Berlin XVIII (persos flics): un
de leur "trophées" sort de prison avec la ferme intention
de se venger …
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Etc.
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On arrive là à des introductions qui sont
longues, mais motivantes... Objet de la deuxième
partie de l'article.
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