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Réflexions et débats


MANIFESTE: Le jeu de rôle(s) n'est-il qu'un jeu de dupe(s) ?

par Le Fan

 

Le Fan lança un jour un débat interminable sur le forum fr.rec.jeux.jdr. Le manifeste est déjà intéressant en soi et je vous conseille de réfléchir aux propositions et aux positions qu'il évoquent.

Intéressantes aussi sont les réactions de haut niveau qui l'ont suivi, et qui parcoururent tous les sujets récurrents de notre loisir: vie et mort des persos, part du hasard, héroïsme, liberté des joueurs. Les liens vers la sélections des réactions qui ont suivi se situent en bas du manifeste.

Ce débat, sous la forme d'un manifeste, s'adresse en premier lieu aux meneurs de jeu, mais aussi aux joueurs qui sont les victimes - ou les bénéficiaires, c'est pareil en définitive - des petits arrangements du meneur avec la réalité du jeu...

En théorie, le jeu de rôles est un concept simple et carré, même si de nombreuses règles peuvent le composer : un meneur de jeu, des joueurs, un scénar et des dés, pour rendre compte de la résolution des actions entreprises par les joueurs et celles gérées par le meneur. Il faut encore signaler qu'il y a un enjeu, double : atteindre l'objectif fixé par le scénario et... faire en sorte que son personnage demeure en vie.

Dans les faits, on constate que les meneurs sont tentés de s'arranger avec le jeu pour que le hasard ne vienne pas trop gêner le déroulement prévu d'un bon ch'tit scénar entre potes, qui finit plus ou moins bien mais surtout pas mal.

C'est là que j'ai un problème.

A priori, le type qui concocte son scénar est guidé par le souci de faire passer un bon moment à ses joueurs et à lui-même. Pour qu'un scénar ait une chance de plaire aux joueurs et, conséquemment :), pour que le meneur prenne plaisir à le faire jouer, il y faut les bons ingrédients : un peu d'originalité, un peu de suspens, de l'action et des problèmes à résoudre... Mais aussi du danger et de l'incertitude sur l'enchaînement des événements (pour les joueurs comme pour le meneur).

Or, qu'y a-t-il de moins vraisemblable qu'un scénar où tout se passe relativement bien pour le groupe ? Que dire d'un personnage qui n'a pas, en... mettons, deux ans de carrière et vingt scénars joués, connu le risque de mourir pour de bon et pas juste un simulacre où le meneur et le joueur font semblant de se faire peur en laissant croire que le personnage risque sa peau mais où ouf, mais oui mais c'est bien sûr en fait il s'en sort par je-ne-sais-quelle-bidouille-du maître ? Que dire de scénars dont la trame étrangement, n'arrive jamais à surprendre le meneur ? Comme par hasard, les événements se succèdent comme il l'avait prévu...

Les conséquences sont énormes. A plus ou moins long terme, le plaisir de jouer s'émousse dans un tel système de dupes... Où tout le monde perd.

Refaire plus ou moins - du point de vue de l'intensité de jeu au moins - le même genre de scénario provoque, ou devrait provoquer, naturellement une bandaison bien mollassonne au moment de se mettre à la table de jeu.

Les responsabilités ne sont d'ailleurs pas à chercher seulement du côté des meneurs de jeu : je peux comprendre qu'un MJ se dise :"Merde, il (elle) a bien joué et simplement parce que je lui mets un "Perfect" dans les dents, l'aventure devrait s'arrêter pour lui (elle) ? Allez hop, Ulahup-Barbatruc, on n'a rien vu."

Et tout le monde est content. Le MJ peut rentrer chez lui sans le sentiment coupable d'avoir sorti un putain de perfect au mauvais moment avec la mort d'un perso sur la conscience et la tronche en biais de son pote ; le joueur, lui, n'a rien vu de toutes façons, donc il peut se féliciter d'avoir encore bien assuré ce soir-là... 

Avec le temps quand même, le joueur finit par trouver suspect cette quasi-absence de malchance mais, eh ho hein, on va pas tendre le bâton pour se faire battre non plus ?!

Ca peut durer longtemps comme ça. Le plus drôle, c'est que le meneur ne se remet pas en cause (pour lui, tout va bien) et que les joueurs, bien souvent, d'en demandent pas plus. Certains même, pensent qu'il n'y a rien de mieux à attendre.

Plus grave, le cas où le meneur joue avec la réalité des scènes pour qu'elles correspondent à ce qu'il a prévu. Là encore, le meneur joue sur du velours. Si le joueur fait chier en proposant une dérive un tant soit peu perturbante pour le bon déroulement qu'il a choisi, c'est facile : l'action que le joueur entreprend ne débouche que sur une impasse, ou alors il se retrouve face à une situation trop ardue pour lui (genre une chiée d'adversaires balèzes de chez Balèze, Balèze et Cie). Ce ne sont que deux exemples, on pourrait en trouver cinquante, comme ça. Bref, rentre dans moule et suis gentiment les jalons que Papa a posé pour toi, hein p'tit gars ? Tu s'ras bien sage et t'auras ta jolie épée + n qui t'attend là et quand j'ai prévu que tu l'aies, hum ?.. Etc. Mais un PJ qui aurait l'audace de buter un PNJ utile au scénar et voilà notre meneur tout désemparé et très colère...

Bref, qu'on respecte la loi parfois impitoyable des dés, qu'on laisse une marge d'imprévu aux scénars et tout le monde s'en portera mieux.

Parce que les joueurs n'auront plus cette tranquille assurance qu'ils n'ont que peu de risques d'y laisser leur peau s'ils suivent l'autoroute à signaux qu'on a tracé pour eux, et les meneurs auront enfin la surprise de voir leur scénar être réellement approprié par les joueurs qui le façonneront comme personne avant eux et personne après.


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